Le trio improbable (pv Jared et Warren)

Mon frère, mon petit frère, était dans le coma. Comment est-ce qu’on avait pu en arriver à une telle extrémité … La vie ne nous avais jamais laissé nous rapprocher l’un et l’autre, il avait toujours fallu qu’il y ait quelque chose en travers de notre route venant de lui, ou de moi. Pourtant, il restait mon petit frère, un membre de ma famille, et je savais qu’il allait mal. Je le savais mais j’avais laissé passé, me disant qu’il gérait comme il pouvait et que je ne pouvais pas faire grand-chose de plus. Mais ce jour-là, il s’était effondré devant moi. Cette scène, j’étais sur qu’elle me hanterait à tout jamais. Gabriel était là pour moi, quasiment depuis que c’était arrivé. Il n’avait pas hésité à répondre à mon signal de détresse en fonçant chez moi et depuis, je voyais bien qu’il faisait tout son possible pour moi mais là j’avais besoin d’autre chose. Cette pression sur moi par rapport à tout ça me faisait étouffer, j’avais l’impression de suffoquer malgré tout l’amour qu’il essayait de me porter. Alors ce soir, je voulais oublier. Je lui avais demandé de me laisser seul et j’avais commencer par me fumer un joint tout seul dans mon studio. Sans doute une mauvaise idée car à chaque fois que je regardais à l’endroit où il s’était effondré, je revoyais la scène, le revoyant convulser et la panique me gagner. J’avais fumé mais … putain ce n’était pas suffisant et j’étais à sec niveau alcool. Alors finalement, j’étais sorti de chez moi avec un vieux jean, un tee-shirt blanc légèrement taché en bas et ma vieille veste de boulot dégueulasse. Tant pis si je n’étais pas présentable, j’en avais strictement rien à foutre.

J’avais marché un peu dans le Bronx, mais tout semblait me renvoyer à Simon. Le trajet de l’ambulance, le bar où nous nous étions battus ensemble, les endroits que je lui avais conseillé pour la vente de came … je devais fuir cet endroit et vite. C’est comme ça que j’en étais arrivé à monter dans un métro, direction Manhattan. Nous n’avions jamais rien fait ensemble là bas, ce serait sûrement plus facile de l’oublier, le temps d’une soirée. Comme d’habitude, je descendais à une station au hasard et marchait jusqu’à trouver un bar. Ce ne fut pas bien long puisque je prenais le premier sur ma route. Je rentrais et cette fois, il n’était pas question d’analyser la salle pour me trouver une proie, je fonçais directement au bar à un tabouret vide où je m’installais, attrapant rapidement le barman. « Met-moi un shooter et la bouteille de vodka directement. » ça lui éviterait de passer son temps à me resservir car ce soir, j’allais la descendre cette bouteille. Je voulais finir ivre mort, comme jamais avant. Il ne sembla pas poser de question et me ramena le tout, servant le premier verre que j’attrapais dans la foulée pour le descendre. Il me brûla la gorge, mais c’est tout ce que je voulais ressentir ce soir. C’est alors que la personne à côté de moi se présenta, sans même que je lui demande quoi que ce soit. Je remplissais à nouveau mon shooter avant de me tourner vers elle, le visage fermé et les pupilles légèrement dilatées par le joint. « Va te faire foutre Béa. » Lâchais-je alors sèchement avant de me retourner vers mon shooter et de l’avaler tout aussi sec que le précédent. Putain que c’était bon, j’en voulais plus.

Ça pour ne pas être de bon humeur … Comment l’être alors que votre petit frère est dans le coma, et en parti par votre faute. La culpabilité me rongeait depuis que je l’avais vu s’effondrer dans mon salon et j’avais l’impression que rien ne pouvait être assez fort pour traverser ce très sombre moment. Alors oui, je suis désagréable et cela se lit sur mon visage. Je sais que ce soir, je pourrais facilement fracasser une gueule ou deux juste pour passer mes nerfs. Mais pas une femme. Je m’y suis toujours refusé. Sauf que là, elle me traite de … Pauvre idiot ? Je sers la mâchoire, soufflant à travers mes dents. Je me sens en colère, tellement en colère assis ou dirais-je presque avachi sur ce bar. Mais je ne réponds rien. Je me fiche qu’elle veuille juste être gentille. Puis est-ce que ce n’est pas ce que j’avais tenté de faire avec Simon, le laissant se servir à sa guise dans le tiroir à came pour en arriver là ? La gentillesse ne menait à rien d’autre que de la déception. Voilà alors qu’un autre énergumène vient s’installer au comptoir. Je le regarde du coin de l’œil commander la même chose que moi, comme s’il tentait de cette manière de nouer une discussion. Pourquoi est-ce que personne ne veut me laisser tranquille aujourd’hui ? Est-ce que j’ai choisi le mauvais bar ? Il se présente alors à la demoiselle. Qu’il fasse, comme ça ils me laisseront peut-être enfin en paix. Que nenni, déjà il s’adresse à moi me demandant si je ne lui en veux pas qu’il me suivre, que comme ça on sera deux à se mettre une mine. Je rempli alors mon shooter avant de le descendre sans le regarder un seul instant. Je lâche un soupir pour libérer ma gorge en feu, mais putain que ça fait du bien. « A ta guise ! » Lâchais-je finalement pour répondre à ses mots. S’il voulait me suivre qu’il le fasse, tant qu’il ne touchait pas à ma bouteille et qu’il n’avait pas peur de finir ivre mort.

Mais c’est alors que la jeune femme elle, revient à la charge en tentant de … me faire la morale ? Est-ce que c’est vraiment ça qu’elle tente de faire là. Je tourne alors mon regard vers elle, regard toujours aussi froid et rempli de colère. Finalement je me lève vivement tout en restant proche, très proche d’elle et la regardant. « Toi tu vas commencer par me parler autrement ! » Sinon quoi ? Je ne savais pas car il était vraiment hors de question que je touche à elle physiquement, je n’étais pas ce genre d’homme, j’avais une certaine dignité quand même, même en cet instant. Mais là j’étais énervé. J’avais une colère absolument impossible à contenir en moi et qui ne pouvait faire autrement que se déverser sur ceux qui étaient présents autour de moi. La plupart des gens vont dans ses bars pour se détendre, passer un bon moment. Moi j’avais juste envie de me défoncer, de gueuler, de cogner. Et qu’on arrête de me faire chier.