Un saut dans le passé. [ft Leslie]

Un saut dans le passé

Aaron King & Leslie McCalister

Passer d’un rang social à un autre, ça m’avait coûté littéralement cher. Voire tout. Beaucoup de temps aussi, surtout maintenant que j’avais deux boulots pour subvenir à mes besoins. En revanche, même si je suis touchée qu’Aaron veuille m’offrir son aide, je ne saurais lui demander de l’argent. Je me connais, j’aurai même du mal à lui demander de l’aide pour acheter du tissu ou autre accessoire pour m’aider à progresser et rendre le rêve de Hope possible. J’ai peut-être un peu trop de fierté à ce niveau, mais j’ai travaillé si dur pour m’en sortir, demander de l’aide maintenant me donnerait l’impression de flancher. En même temps, tu le sais toi. J’ai toujours eu un peu trop de fierté et toujours eu du mal à demander de l’aide. C’était une chance que tu saches lire en moi. Ça m’évitait de demander.

Mon plus gros problème pour le moment, c’est le temps. Je travaille le matin jusqu’en début de soirée, puis je travaille en soirée jusqu’à environ 1h du matin pour rentrer et dormir, puis je recommence comme ça. Avec la campagne, j’ai un horaire fixe, c’est déjà bien. Pas de boulot le weekend. Mais avec le bar, c’est plus compliqué. L’horaire change à chaque semaine alors oui, j’ai des congés parfois, mais pas toujours. Du coup, je doute qu’Aaron puisse faire quoi que ce soit pour moi à ce niveau. Ou du moins c’est ce que je croyais. Dans son regard, je vois qu’il a une idée et sans prévenir, il retire son veston puis défait les boutons des manches de sa chemise pour remonter ses manches.

Ce midi, c’est lui qui cuisine. J’affiche un peu de surprise mais je comprends sa démarche. Ce qu’il ajoute me touche. Il ne le fait pas nécessairement pour que je m’occupe de la jupe, mais pour me faciliter mes journées. Bon, même si me reposer me semble très tentant, je me vois mal aller m’installer dans mon lit pour relaxer pendant qu’il cuisine. Je préfère de toute façon travailler sur la jupe, surtout s’il est là. Et puis avec ses indications, j’arrive à voir un peu vers où aller. Je lui souris, me prenant au jeu et me mordille la lèvre inférieure. Mine de rien, tout ça m’excite un peu comme une gamine. J’ai l’impression qu’on me fait un cadeau et la perspective de retravailler sur ce projet si cher à mon… à notre cœur, me fait vraiment plaisir. Du coup, je tourne les yeux sur le côté puis me retourne pour aller vers le mannequin. Une fois à côté, je me retourne vers Aaron qui me demande ce que je veux manger. « N’importe, c’est toi le chef. Fais ce que tu peux avec le peu qu’il y a. J’ai pour habitude de ne pas avoir grand-chose par peur que ça moisisse. »

Je me retourne vers le mannequin et l’examine un moment, revisualisant ce dont il m’a parlé. Une fermeture éclair, un tissu plus transparent et des boutons. Je me dirige vers ma boîte de tissus et me penche pour fouiller dedans déjà pour trouver la fermeture éclair que je trouve au fond complètement. Malheureusement, la couleur ne va pas du tout. Je la garde tout de même de côté avant de sortir un tissu qui correspond bien à ce qu’il disait. La couleur est parfaite : Plus pâle que la jupe mais pas assez pour gâcher le look. La façon dont je l’épingle est déjà tape à l’œil. Un moment plus tard, j’ai mon bracelet pique-épingles autour du poignet et mon mètre ruban autour du cou pour l’avoir à portée de main. Ainsi, j’épingle le tissu de façon à en faire un froufrou tout le tour de la jupe, au niveau de la taille. Quand j’ai terminé de l’épingler, j’accroche sur la fermeture éclair que je devrai vraiment changer. « La fermeture éclair ne va pas du tout, mais on voit l’idée. » Après, je ne suis pas certaine d’être convaincue étant donné que mes souvenirs de la jupe sont flous, mais avec l’œil d’Aaron, peut-être… Même le tissu en froufrou commence à me faire douter.

C’est vraiment le début de quelque chose. On ne s’en rend sans doute pas encore compte l’un et l’autre à cet instant et pourtant, ce rapprochement aujourd’hui est déjà tellement fort. Je me suis tourné vers cette petite cuisine. Elle n’a rien à voir avec la mienne mais je saurais faire avec. Je regarde dans le frigo, je fouille dans les placards pour trouver ce dont j’ai besoin et je trouve même un tablier que j’enfile pour éviter de ne tâcher mon costume. De temps en temps, je jette un coup d’œil vers elle et je ne peux m’empêcher de sourire en la voyant si investie, avec son bracelet pique-épingle et son mètre ruban autour du cou. Je ne peux m’empêcher d’imaginer ma petite sœur à sa place … J’espère qu’elle nous voit et qu’elle peut vivre un peu de son rêve à travers Leslie. Lorsqu’elle parle de la fermeture éclair qui ne va pas, je me contente de la rassurer en lui disant que nous avons le temps, que peut-être nous pourrions aller faire un tour un jour au magasin de tissus ensemble pour voir. Et puis le repas étant prêt, nous pouvons passer à table. Je ne sais pas pourquoi mais, j’ai vraiment une petite appréhension, j’espère qu’elle va aimer ce que je lui ai préparé. Après ça encore une fois, je ne lui laisse pas le choix et m’occupe de la vaisselle. C’est déjà un peu plus délicat car je n’en ai pas l’habitude, j’ai toujours possédé un lave-vaisselle à la maison moi. Mais je veux vraiment me montrer aux petits soins jusque dans les détails.

Finalement, c’est à regret que je dois filer. Je râle légèrement sur Preston qui m’a envoyé un message. Une urgence absolue selon lui. Fais chier, j’avais prévu de passer mon après-midi avec elle puisque je savais qu’elle était libre. Nous devrions repasser pour ça. J’espérais que cela ne brise rien à ce que j’avais dis avant, je comptais vraiment être là pour elle, le plus possible. J’avais donc du prendre congé à regret et j’étais vraiment triste en sortant de son immeuble, seul, pour retourner à la station de métro. J’aurais pu prendre un taxi mais … Je ne sais pas, j’avais envie de rentrer comme j’étais venu avec elle. J’étais alors retourné que QG de Campagne, dépannant mon candidat et râlant légèrement car il aurait très bien pu se passer de moi pour le coup. Cela m’avait au moins permis de récupérer mon attaché-case et de laisser mon bureau dans un état correct car j’étais vraiment parti en plan en la suivant au matin. Une fois chez moi, j’avais passé ma soirée à repenser à tout ce qu’il s’était passé, à nos retrouvailles, à nos échanges, nos souvenirs de Hope … j’avais pensé à Leslie quoi. J’avais pensé à elle toute la soirée, jusqu’à me laisser emporter par le sommeil.

Le lendemain matin, j’étais arrivé aussi tôt que d’habitude au bureau à la différence que j’avais une légère appréhension car je savais que j’allais la revoir. Du moins, je l’espérais. Peut-être qu’elle aurait paniqué à nouveau et ne voudrait plus revenir ? Non, je ne l’espérais pas. Tout seul dans l’open space, je cogite en buvant mon café et finalement, je rejoins comme d’habitude mon bureau. J’ai regardé l’emploi du temps de toute l’équipe ce que je ne fais jamais d’habitude pour voir à quelle heure elle arrive et quand elle est censé être là, j’attrape une nouvelle fois Miller qui passe devant mon bureau. « Miller, tu peux faire venir Leslie dans mon bureau s’il te plaît ? » Il me regarde en ne semblant pas comprendre. « La fille des copies. Elle a un prénom, elle s’appelle Leslie. » Je suis légèrement agacé par ce manque de respect, personne ne mérite d’être réduit à ce genre de surnom. Il acquiesce un peu hébété avant de filer et je regarde à nouveau mes mails en espérant la voir arriver d’une minute à l’autre. J’ai une petite tension en moi, de la revoir, et aussi à propos de ce que je m’apprête à faire. Un geste fort, mais que j’ai mûrement réfléchit pendant toute la soirée d’hier.

Un saut dans le passé

Aaron King & Leslie McCalister

Je me retourne pour regarder Aaron quand il me répond qu’on pourra toujours aller au magasin de tissu. Il le faudra bien, évidemment. Je suis tout de même fière du progrès d’aujourd’hui. Même si je ne suis pas complètement satisfaite, au moins j’ai avancé un peu et s’il y a bien une chose que j’ai apprit à faire ces dernières années, c’est d’apprécier l’importance de chaque petit pas qui nous font avancer. Après tout, un être humain n’avance pas à grand pas de géant. Il ne l’a jamais fait. Du coup, Aaron me fait savoir que le repas est prêt et je réalise alors que j’ai faim et que ça sent très bon. J’étais tellement absorbée par ce que je faisais que je n’ai pas réalisé. Du coup je retire mon bracelet et le ruban autour de mon cou et je vais m’installer avec lui sur le petit ilot pour manger. Et ce repas est délicieux. Et comme si ce n’était pas assez, Aaron m’empêche de faire la vaisselle, souhaitant s’en occuper à ma place. Je trouve ça adorable de sa part, même s’il a l’air un peu maladroit.

Après la vaisselle, nous avons à peine un peu de temps pour discuter qu’il doit partir. C’est dommage, sa présence me faisait beaucoup de bien. À contrecœur, je le laisse partir et me retrouve soudainement seule. Le voisin à côté fait jouer sa musique forte, comme d’habitude, mais je trouve que mon studio étrangement silencieux. Je décide de me préparer doucement pour le boulot ce soir et de tout l’après-midi et toute la soirée, je passe mon temps à penser à ce qui s’est passé, à penser à lui et la légèreté que j’ai ressenti en début d’après-midi quand il était encore là. C’est bête, nous n’avons pas échangé nos numéros de téléphone. Mais au moins, nous nous reverrons au boulot. Hope, je me sens encore plus près de toi. Et j’espère que c’est la même chose pour lui aussi.

Le lendemain matin, je me réveille avec beaucoup plus d’énergie qu’à mon habitude. Mon collègue me le fait même remarquer. J’ai moins l’air épuisée que dans les derniers jours. Je lui souris, le remerciant en commençant mon travail comme la professionnelle que je suis, évitant toute question de sa part au sujet de notre patron. Quand Miller vient nous voir et que j’entends mon prénom, j’affiche un air surpris en le regardant. « Mr King voudrait que tu ailles le voir. » Ah. Voilà pourquoi il m’appelle Leslie. Je souris alors légèrement et mon collègue laisse Miller partir avant de me charrier. « J’en connais une qui le trouve charmant le patron. » Je le regarde, l’air de dire d’arrêter de dire des conneries. « On se connaît depuis longtemps lui et moi. Ne va pas partir de fausses rumeurs. » Je roule les yeux et le quitte pour aller voir Aaron.

Sa porte étant ouverte, je frappe comme hier sur le cadrage de la porte. Je ne sais pas pourquoi, je suis un peu nerveuse de le revoir ce matin, comme si j’avais peur que ce qui s’était passé hier n’ait été qu’un rêve. Mais si c’est le cas, ce rêve m’a visiblement permis de bien dormir, si bien que ça se voit sous mes yeux. « Bon matin. » Je lui souris, entre et ferme la porte quand il me le demande. Je suis alors soudainement curieuse et me demande ce qu’il veut me dire. Je me doute que ça a rapport à Hope, ou du moins que ça n’a rien à voir avec le boulot en revanche. « Je voulais te dire… Merci pour hier. Ça m’a fait un énorme bien. »

Je suis là, dans mon bureau, tentant de lire mon mail mais je rends compte que je viens de relire la même ligne pour la cinquième fois au moins. Parce qu’en réalité, je ne pense qu’à une chose, ce que je m’apprête à faire. Je sens une vraie nervosité en moi. Est-ce que ce n’est pas trop rapide, est-ce que je ne vais pas le regretter ? Non impossible, j’ai déjà pesé les pour et les contres toute la soirée d’hier je ne vais pas le refaire encore une fois puisque j’en arrive toujours à la même conclusion. Finalement, on frappe au cadran de la porte et je souris largement en voyant Leslie. J’avais sans doute été bête de penser qu’elle ne reviendrait pas. Après tout, nous avions quand même largement discuté et apaisé les choses après sa fuite d’hier. Mais voilà, je crois que j’avais vraiment envie de la voir surtout, et qu’au-delà de m’inquiéter pour elle … je m’inquiétais aussi un peu pour moi. Elle aussi souris en me souhaitant un bon matin. Je lui indique alors de fermer la porte car ce qui va se passer ici ne regarde que nous et personne d’autre. Ce n’est pas professionnel mais je m’en contre-fou, je ne peux pas attendre. Elle me remercie alors mais je fais un petit geste de la main. « Ne me remercie pas, c’est normal. Et puis … je crois que j’en avais besoin aussi, à moi aussi ça m’a fait beaucoup de bien. J’aurais aimé rester plus longtemps ... » J’étais sincère, du début à la fin. C’était sans doute étrange car jusqu’alors nous n’avions passé du temps ensemble qu’avec Hope et aujourd’hui … Bon elle était toujours celle qui nous rapprochait, mais c’était évidemment différent.

C’était le moment. Je soufflais un instant en baissant les yeux et finalement, je me penchais pour ouvrir mon attaché-cas au pied de mon bureau. Je me saisissais alors de carnet de croquis de Hope. Je ne l’avais pas emballé ou ce genre de chose parce que je voulais que ce geste reste simple et pur, comme elle. Je me levais alors de mon fauteuil, m’approchant de la jeune femme. Je ne sais pas si elle l’avait reconnu, sans doute que si. Une fois proche d’elle, je lui tendais alors, tout en posant mon regard sur son beau visage. « Tiens, c’est pour toi. Je crois que Hope aurait aimé qu’il t’appartienne. C’est à toi qu’elle montrait tous ses croquis, moi je ne les ai découvert que … après. » Une fois morte … mais c’était toujours un peu difficile de le dire même après toutes ces années, car ça n’avait rien de normal de partir à cet âge. C’était un acte fort pour moi de lui donner ce carnet, car c’est sûrement ce que j’avais de plus précieux qui avait appartenu à ma petite sœur. Pour moi, c’était peut-être la preuve de confiance ultime envers Leslie, mais elle m’avait prouvé elle aussi à quel point elle tenait à Hope autant que moi même presque dix ans plus tard. « Je sais que tu en prendras soin. Et puis, c’est toi la couturière maintenant, tu n’auras plus besoin de compter sur tes souvenirs ou les miens ... » Je faisais un petit sourire en lui disant ça. Après tout ce n’était pas perdu, j’avais prévu de la revoir pour l’aider au quotidien alors, je pourrais toujours feuilleter à nouveau ce croquis, chez Leslie. Je continuais alors de la regarder, attendant une réaction. Tout ce que j’espérais c’est qu’elle n’allait pas le refuser en ayant peur que ce soit un trop gros geste de ma part.

Un saut dans le passé

Aaron King & Leslie McCalister

J’étais nerveuse à l’idée de le revoir, mais étrangement, c’est justement de le voir qui m’a permis de me détendre. Je lui souhaite un bon matin, sourire au visage. Je suis contente de le revoir et surtout contente de savoir qu’il ne s’agissait pas d’un rêve hier que mon cerveau a fait pour me créer une échappatoire. Je le remercie d’ailleurs et il m’arrête d’un geste de la main, me disant que c’est inutile de m’excuser. Il ajoute qu’il en avait besoin aussi et que ça lui a fait un grand bien également, ce qui me fait sincèrement plaisir, et me fait aussi culpabiliser un peu. Au fond, peut-être que si je n’étais jamais partie, nous aurions pu nous aider dès le début. Il avait fallu que je parte à la place. Enfin, ressasser le passé ne résoudra rien. Il me dit qu’il aurait voulu rester plus longtemps et je hoche la tête. « Je sais… Moi aussi… » J’avoue, j’aurais préféré qu’il reste, qu’on continue de bavarder, qu’on dîne ensemble même avant que je n’aille travailler, pourquoi pas ? Sa compagnie avait été fort plus agréable que ma solitude.

Je m’assois sur le fauteuil devant son bureau et le regarde alors. Il a l’air nerveux et je me demande ce qu’il planifie. Pendant une seconde, j’ai eu peur qu’il m’annonce que je ne le reverrai plus, ou qu’il me renvoie. Mais cette peur s’évanouie quand il se penche. Puis il se lève et mes yeux croisent immédiatement l’objet qu’il tient. Je me lève alors rapidement, surprise. C’est lui. C’est ton carnet Hope. Maintenant plus que jamais j’ai l’impression de sentir la présence de celle-ci près de moi, près de nous, pendant qu’il contourne son bureau pour venir me le tendre. Mon corps réagi alors de lui-même au ralenti. Je lève les deux mains et prends le carnet en faisant le plus attention possible, comme s’il s’agissait d’un objet rare et fragile, comme un papyrus datant de l’Égypte ancienne.

Je demeure silencieuse. Je devrais dire quelque chose mais mon regard est tellement absorbé par l’objet que je tiens, complètement figée, que je n’arrive pas à dire quoi que ce soit. Il parle du coup à ma place et alors je sors de ma torpeur. Je commence à feuilleter quelques pages pendant qu’il parle. C’est trop beau. Ce cadeau est trop énorme. Je tombe sur la page de la jupe que j’ai commencé, comme pour imprimer à nouveau cette image dans ma rétine, puis referme mon cahier. Ma surprise a laissé place à de la tristesse. Je lui tends donc à nouveau le cahier. « Je ne peux pas accepter ça… » J’inspire profondément. Ce cadeau est trop beau, trop précieux, pour que je l’aie en ma possession. « C’est trop important Aaron. C’est une partie d’elle que tu me donnes… » Je baisse les yeux sur le cahier puis le regarde à nouveau. « Ça compte beaucoup pour moi ce geste mais… C’était ta sœur… C’est toi qui… » devrait l’avoir. Les mots restent coincés dans ma gorge. Je vais pleurer encore, je le sens. Mon coeur palpite à nouveau mais je ne sais pas trop si c'est de bonheur ou de chagrin.

Ce carnet a tellement de valeur. Je crois qu’il n’y a que Leslie et moi qui pouvons comprendre ça. Père était bien trop occupé par mon éducation à moi pour se rendre compte que l’importance de la mode avait pour elle, il n’avait je suis sur jamais remarqué qu’elle dessinait. Car oui dans ce carnet il n’y avait pas que les idées de la grande créatrice qu’elle serait devenue, il y avait aussi des dessins magnifiques. Je crois qu’il ne prenait pas vraiment ça au sérieux lorsqu’elle nous partageait ses ambitions, il devait penser qu’une fois qu’elle choisirait réellement ses études ce serait quelque chose de plus sérieux. Peut-être de la politique comme lui et moi. Quant à mère … elle aurait pu elle s’en rendre compte, mais elle n’avait jamais cherché a récupérer ce carnet. Alors peut-être qu’au fond elle ne comprenait pas vraiment non plus. Leslie et moi avions compris que ce carnet était son propre reflet, tel un journal intime. Chacun de ses traits avec une valeur, une signification. Elle aurait cartonné j’en était sur. Ça aurait été elle la grande dame de cette famille, bien plus que mon père ne l’actuellement, bien plus que je ne le serais jamais. Mais Leslie elle, c’était encore une autre dimension que moi. Car Hope lui montrait de son vivant ce qu’il y avait dans son carnet je le savais. J’imagine qu’elle devait lui demander son avis, des conseils. Nous partagions d’autres choses Hope et moi. Cette décision de donner ce trésor à Leslie était tellement naturelle au final. J’étais sur que c’est ce que ma petite sœur aurait voulu. Et puis, la jeune femme était son espoir de voir un jour son rêve se réaliser grâce à ce carnet, c’était assez poétique.

Je lui tend alors, avec mes explications et elle se saisit du carnet comme d’une relique. Elle ne se rend même pas compte que ses gestes sont une confirmation supplémentaire que ce carnet lui revient, qu’elle est digne de le posséder. Elle est silencieuse, comme si elle tentait d’assimiler la nouvelle. Pendant ce temps-là, j’ai pris le soin de glisser mes mains dans mes poches moi, pour ne pas lui laisser la possibilité de me le rendre. Bien sûr elle peut toujours le poser sur le bureau ou ce genre de choses mais c’est symbolique. Je termine de parler pendant qu’elle feuillette les pages et je vois qu’elle tombe sur cette fameuse jupe ce qui me fait sourire. Cette fois elle n’aura pas besoin de compter sur mes explications foireuse. Seulement, elle réagit comme je l’avais redouté. Elle le referme avant de me le tendre mais il est hors de question pour moi de le prendre. Elle m’explique qu’elle ne peut accepter ça, je sens les émotions qui l’on envahis depuis qu’elle a vu ce précieux objet. J’écoute attentivement toutes ses explications, sans la couper, et ne prend la parole qu’après cela. « Leslie, c’est justement pour tout ça que tu dois l’accepter. Parce que c’est important, que c’est une partie d’elle. Bien sûr qu’il me tient à cœur à moi aussi, mais c’est avec toi qu’elle partageait ça. Moi j’ai d’autres choses. Des partitions de piano par exemple qu’on jouait ensemble. Mais ce carnet Leslie, il te revient. Il te revenait depuis le tout début. Et puis, il n’est pas perdu, je pourrais toujours te l’emprunter, si j’en ai besoin. » Je lui souriais en disant ça. C’était une manière de lui dire encore une fois qu’elle pouvait compter sur moi, que je n’allais pas l’abandonner, et qu’alors ce carnet ne me quittait pas vraiment. « De toute façon je ne te laisse pas le choix. Je ne vais pas le récupérer, il est à toi maintenant. » J’étais prêt à le porter directement chez elle s’il le fallait, ça ne m’effrayait pas le moins du monde. Quand je voulais quelque chose en général je l’avais. Il n’y a qu’une personne qui me faisait plier en ce monde mais il n’était pas question de lui actuellement.

Un saut dans le passé

Aaron King & Leslie McCalister

Je refuse. C’est trop, je ne peux pas. Mais il a les mains dans ses poches et je commence à paniquer un peu, comme à chaque fois que je suis émotive quand il s’agit de Hope. Je n’arrive pas à finir ma dernière phrase. C’est lui qui devrait avoir ce carnet. Je ne m’en sens pas digne. Je commence à trembler un peu alors qu’il proteste contre mon refus. Enfin, protester est un grand mot. Il me dit que c’est justement pour les raisons que j’ai énoncées que c’est moi qui devrais avoir le carnet. Quand il dit que c’est une partie d’elle, je capitule déjà. Il a déjà gagné. Il n’a pas tort quand il dit que c’est à moi que Hope montrait ses croquis, mode ou pas.

Je le regarde puis regarde le carnet quand il dit qu’il me revient. Je le sens, je vais craquer. Il poursuit en me disait qu’il pourra toujours venir me l’emprunter s’il en a besoin et il a raison. Je ne serai jamais égoïste avec un tel trésor. Pas envers Aaron en tout cas. Ce qu’il m’offre, c’est sans doute le plus beau des cadeaux qu’il aurait pu me faire. Il me sourit et je ne sais pas où me mettre. Je suis là à refuser ce merveilleux cadeau, à l’écouter refuser que je refuse et… Ça me fait bizarre d’avoir quelqu’un sur qui compter, sur qui m’appuyer, en qui avoir confiance. Je n’avais pas eu ça depuis mon départ de la maison, depuis le départ de Hope. Il ajoute qu’il ne me laisse pas le choix et je ramène le carnet vers moi, le tenant toujours comme si c’était une relique rare et unique. Pour être unique en tout cas, il l’est. Et plus précieux que jamais.

J’aurais pu me contenter d’hier, de ce lien qu’on a ressenti tous les deux en recollant les morceaux doucement, s’apaisant mutuellement. J’aurais pu avoir ça seulement et j’aurais été bien comblée. Je ne m’attendais pas à une telle chose. « Je… Merci Aaron… M-merci. » Ma dernière syllabe se perd dans ma gorge qui se serre. Mon visage se crispe dans un sanglot alors que je m’approche de lui. Je passe mes deux bras autour de lui, posant mon menton sur son épaule en pleurant. Je n'ai plus l’habitude des accolades ou simplement des contacts humains. J’ai été très réservée pendant si longtemps mais celle-ci est naturelle. J’ai un réel sentiment de reconnaissance envers lui et je ne sais même pas comment le payer en retour. Ou peut-être que si en fait.

« Promis, je ne te décevrai pas. » En d’autres mots, je viens de lui promettre de tout mettre en œuvre pour que le rêve de Hope se réalise. Et le jour où on connaîtra sa collection, ce sera son visage à elle qui sera affiché. Pas le mien. Parce que ça a toujours été elle qui était destinée à être la vedette. Elle était celle de nos vies après tout. « Je te le promets. »

Son émotion … je la comprends et pourtant, elle me touche tellement. C’est pur, c’est vrai. Son regard va de moi au carnet, comme si elle menait un nouveau combat avec elle même actuellement. Je pouvais sentir qu’elle le voulait, mais qu’elle n’osait pas. Car il avait une valeur inestimable à ses yeux et c’est pour cette raison qu’avec elle il était en sécurité et qu’elle avait ma pleine confiance. Elle ramène finalement le carnet vers elle et je comprends que j’ai réussi à lui faire accepter alors je souris doucement. Je suis sincèrement heureux qu’elle l’accepte enfin, même s’il laissera un grand vide dans mon tiroir à souvenirs c’est certain. Finalement elle me remercie et ses mots sont rempli de sincérité. Elle est tellement touchante … Mon cœur se serre un peu et j’ai l’impression que c’est Hope qui me remercie. Je le crois en tout cas. Mais ce qu’elle fait ensuite, je ne m’y attendais pas vraiment. Je suis concentré sur ce visage crispé et qui se noie de larmes mais surtout, elle s’approche prêt de moi et je sens ses bras glisser dans mon dos. Je la sens tout contre moi et je ne réfléchis pas vraiment. Je retire mes mains de mes poches pour faire de même, venant la serrer à mon tour. Je veux vraiment qu’elle sente ma présence, que je suis sincère avec elle, et peut-être aussi que je l’apprécie vraiment. Pas que au travers de Hope, mais qu’elle sait me toucher. Elle me promet de ne pas me décevoir, elle le fait par deux fois alors doucement je souffle pour l’inviter à se taire. « Je sais Leslie … je sais ... » J’étais même certain qu’elle allait nous éblouir, qu’elle rendrait le plus beau des hommages à ma sœur … avant de ne pourquoi pas elle-même réaliser ses propres rêves ? C’était encore trop tôt pour ça, chaque chose en son temps.

Pour le moment, je continue de la serrer contre moi. De toute façon il fallait qu’elle se calme pour ressortir de ce bureau. Moi je savais que ses larmes étaient des larmes d’émotion mais en dehors de ce bureau, chacun irait interpréter à sa manière et je ne voulais pas. Alors nous sommes restés là comme ça un moment. Combien de temps ? Je n’aurais su le dire moi-même car au fond, j’aurais voulu que ça ne cesse jamais. C’est mon téléphone en sonnant qui me ramena à la réalité. Pourquoi il fallait toujours que ce téléphone ne cesse de venir briser nos moments ! Ça avait déjà été le cas la veille. Je m’écarte alors d’elle mais je ne me presse pas. Tant pis pour le téléphone, il attendra. Pour l’instant je la regarde elle. « Il va falloir qu’on se remette au travail … J’espère qu’on aura l’occasion de se recroiser aujourd’hui, peut-être déjeuner ensemble. Dans tous les cas, ce soir tu ne pars pas sans venir me voir, d’accord ? » Et pour cause, j’allais rentrer avec elle et en taxi. Elle voulait du temps ? J’allais lui en donner moi. Je lui souris alors un instant et à regret, je me sépare vraiment d’elle pour aller prendre ma place derrière mon bureau. Je prends mon téléphone mais je ne peux m’empêcher de la regarder sortir jusqu’à ce qu’elle ne quitte mon champ de vision. Seulement alors je rappelle celui qui vient d’essayer de me joindre, essayant de reprendre mon sérieux, mais avec bien des difficultés. Cette femme … je ne peux pas m’empêcher de penser à elle.