Un mort se réveille malgré lui - 15 avril (pv Jared Parker)

Putain que c’est dur ! J’en ai traversé des épreuves dans ma vie jusqu’à présent, mais celle-ci … c’est la plus difficile et de loin. Comment est-on censé gérer lorsque son petit frère a fait une overdose devant soit ? En partie à cause de la drogue que je lui ai moi-même donné ? J’essaye vraiment de relever la tête, surtout depuis que nous avons eu cette discussion avec Liz ici même, mais c’est compliqué. J’essaye de faire bonne figure devant tout le monde mais la vérité c’est qu’une fois seul, il n’y a que chagrin et crainte de le voir partir. Il n’y en a qu’un devant qui je ne met pas de masque, Gabriel. Il est le seul à qui je laisse voir la douleur que je ressens en ce moment. Devant les autres, je me contente de porter ce masque vide d’émotions. Je crois que je préfère encore passer pour un crétin qui ne ressent rien que de montrer ma douleur. C’est sûrement con, mais en soit c’est ce que je suis non ? Un grand con ? C’est ce que Simon dirait en tout cas, s’il n’était pas allongé là dans ce lit d’hôpital. Chaque jour qui passe amenuise un peu plus les chances qu’il se réveille et je sens qu’un jour je vais craquer, que je n’arriverai plus à foutre les pieds dans cette chambre. Je n’y suis pas tout le temps déjà. Parce que nous sommes une grande famille, et que les autres aussi ont le droit à leur moment avec notre petit frère. Et que pour l’instant, il n’est pas question pour moi de partager le même lieu que Sienna aussi. Notre dernière discussion ne s’est pas très bien terminé. Mais je suis comme ça, même quand ça va mieux, je finis toujours par tout saboter. C’est Liz elle même qui l’a dit d’ailleurs, que je me sabote. Et puis je crois que je ne suis pas en mesure de réparer quoi que ce soit pour le moment.

Installé dans le fauteuil, je le regarde, mon petit frère allongé dans son lit, branché de partout, ce tube dans la gorge. J’ai presque fini par m’habituer à ce bip régulier et je ne suis pas sur que ce soit bon signe. J’ai profité de l’après-midi, pendant que tout le monde est occupé à droite à gauche, pour venir le voir. Et comme à chaque fois, je ne sais pas où me mettre. Je m’ennuie, et je m’en veux de m’ennuyer alors que mon frère est dans cet état. Alors machinalement je prends mon téléphone pour voir si j’ai un message de Gaby, mais évidemment que non, puisqu’il tient mon propre garage à bout de bras. Je me lève alors, faisant les cents pas, regardant Simon par moment, et finalement je m’approche de lui. « Je reviens, je vais me prendre un truc à la machine. Si tu te réveilles j’te jure que je te rapporte un truc aussi ... » Je le regarde en silence pendant quelques secondes … évidemment qu’il ne répond pas, comment pourrait-il ? Je soupire alors. Je ne sais pas à quoi je pensais en disant ça. Je baisse le regard, et mes épaules s’affaissent alors que je prend un instant son avant-bras dans ma main, comme pour lui dire que je reviens. Je sors de la chambre et je vais jusqu’à la machine, m’acheter un paquet de chips. Manière de passer le temps encore une fois. Je reviens un peu après et quand j’arrive, je me stoppe dans le couloir en voyant la porte ouverte, et du monde s’affairer autour de lui. Non non non ! Ne me dite pas que c’est fini pitié ! Après quelques secondes suspendues dans le couloir, j’accoure alors à la porte. « Qu’est-ce qu’il se passe ?! S’il vous plaît dites-moi ce qu’il se passe ! » Désormais c’est quitte ou double je le sais bien. Ce qu’il se passe actuellement peut être la plus belle nouvelle de ma vie comme la plus terrible. Et je prie actuellement un dieu auquel je n’ai jamais cru que ce soit la première possibilité qui se passe.

Je suis figé à l’entrée de la chambre, tétanisé devant l’agitation soudaine autour de mon petit frère. J’ai peur de ce qu’on va m’annoncer. Seulement, je l’entends déjà tousser, je le vois. Mon regard est fixé sur lui alors que mon visage est paralysé, rempli de stupéfaction. J’ai toujours mon paquet de chips dans la main, je dois vraiment avoir l’air con comme ça. Finalement une des infirmières vient vers moi et alors qu’elle commence à parler, mon regard se pose enfin sur elle. Il est en train … de se réveiller ? Vraiment ? Il y a tant de choses qui se bousculent en moi. Du soulagement surtout je crois, surtout avec les mots qu’elle utilise pour me rassurer. Du bonheur évidemment, de savoir mon petit frère en vie mais aussi … énormément d’appréhension. Il va falloir discuter avec Simon, il va falloir le confronter à ses actes, trouver un plan pour se sortir de ça, et je sais que ça va être compliqué. Subitement, on vient de basculer sur une nouvelle étape et je n’étais pas prêt. Je crois que je ne pouvais pas l’être, aujourd’hui ou demain, ça n’aurait rien changé. Et puis, il va surtout falloir lui expliquer ce qu’il s’est passé depuis qu’il est tombé chez moi, car l’infirmière m’explique qu’il n’aura pas conscience de tout ça. Je déglutis difficilement. Elle me propose l’aide d’un médecin mais … non c’est moi qui doit le faire. Après tout, c’est ma connerie non ? C’est ce que tout le monde s’est évertué à me faire comprendre après tout. Du moins, Sienna et Liz, même si cette dernière s’est adoucie par la suite. J’acquiesce en tout cas aux mots de l’infirmière et mon regard se pose à nouveau sur Simon alors qu’elle retourne auprès de lui.

Je peux entendre qu’il m’appelle, d’une voix rauque. Mon cœur se serre dans ma poitrine alors que je n’ai toujours rien dit. Je le regarde boire à la paille, manquant de s’étouffer, et finalement l’équipe médicale me laisse avec lui, refermant la porte derrière moi. Une larme a coulé sur son visage, et après quelques secondes je débloque enfin, je m’avance vers lui, pour me retrouver à côté du lit. « Tu me refais plus jamais un coup comme ça toi ! » Oh je ne suis pas en train de l’engueuler. Ma voix est légèrement brisée en disant ça, il peut tout de suite comprendre que j’ai surtout eu très peur.  Je pose le paquet de chips sur la petite table à côté de nous, plus pour libérer mes mains qu’autre chose, mains que je pose sur la barrière de son lit. L’une d’elle est d’ailleurs bandée, petit souvenir d’un verre brisé dans un bar lorsque je me suis soûlé la gueule pour oublier « Putain Simon j’ai cru que t’étais mort … qu’est-ce qui t’as pris ... » Il ne sait peut-être pas ce qu’il s’est passé ces derniers jours, mais il doit bien se souvenir par contre qu’il s’est shooté avant de venir chez moi, au point de s’écrouler sous mes yeux.

Il est désolé. Il a trop pris, mal dosé. Jusque là, j’étais surtout désemparé, triste de la situation de mon petit frère. Je m’en voulais aussi à moi-même évidemment, de lui avoir vendu cette came, de ne pas avoir été assez vigilant. Mais là, je sens la colère monter envers Simon directement. Il a fait une putain d’overdose et il trouve juste à dire qu’il a mal dosé ? Sérieusement ? Bon ok, il se réveille juste et il est encore dans son monde là, il arrive à peine à garder les yeux ouverts, il pleure même, mais quand même ! Moi je ne fais que revoir encore et encore ce moment où il est tombé devant moi. J’essaye de faire appel à mes souvenirs, quand il est arrivé chez moi. Est-ce que j’aurais pu voir tout de suite qu’il était plus défoncé d’habituellement ? Je n’en sais rien, et cela m’agace. Il reprend alors la parole, me disant qu’il n’en pouvait plus, voulait bloquer son cerveau, un peu. Pour le coup c’est déjà mieux, je le prends comme un aveux. Et c’est bien, il doit assumer ce qu’il s’est passé, l’accepter pour que ça ne se reproduise plus jamais. Je me détends alors un peu tout en gardant quand même un regard sérieux. « ça va aller Simon. On est là, on va t’aider. Toute la famille est là pour toi. Sienna est venu beaucoup te voir, même Liz est ici. » En disant ça, je réalise qu’il va comprendre aussi que ça fait plus que quelques heures qu’il est ici, mais tant pis il aurait bien fini par comprendre de toute façon. Je ne suis pas réputé pour être celui qui prend le plus de gants de toute façon.

Doucement, je viens descendre la barrière de son lit du côté où je me trouve pour pouvoir m’asseoir à côté de lui, sans le lâcher du regard. Je ne ferme les yeux qu’un instant, revoyant une nouvelle fois mon frère tomber. Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai revu cette image. Je les rouvre sur lui, prenant une grande inspiration. « Simon, ça s’est pas passé hier tout ça .. ça s’est passé y a plus de trois semaines … Pendant trois semaines on savait pas si t’allais t’en sortir. » L’épreuve la plus terrible de ma vie, sans aucun doutes. Je lui laisse un peu de temps pour encaisser la nouvelle qui doit sûrement être assez surréaliste pour lui qui n’a rien vécu de tout ça, avant de continuer. « ça a été horrible pour chacun d’entre nous … On tient à toi p’tit con. » Je dis ça avec un petit sourire, essayant de le faire sourire lui aussi même si je me doute bien que c’est loin d’être gagné dans cette situation. « Il faut que tu me promettes de ne plus jamais recommencer, que la drogue c’est fini maintenant que tu n’y retouchera plus. » Et là aussi c’est une sacrée difficulté que je met devant lui. Mais en même temps il n’y a pas le choix, il doit se sevrer et mettre ça derrière lui. Pour lui, pour nous tous. Il doit reprendre sa vie en main désormais, et je serais là pour l’accompagner autant que je le peux.

Peut-être qu’en effet nous n’avons pas envoyé assez de signal à Simon que nous tenons à lui. Me concernant, je n’ai pourtant jamais été un maître en la matière. Je suis du genre plutôt brut, qui ne montre pas ses sentiments, qui a même du mal a créer un contact physique avec sa famille. Il le sait, il l’a notamment vu récemment lorsque j’ai refusé de dormir dans le même lit que lui. Une simple embrassade est une véritable épreuve pour moi et vaut chère ! Mais il me semblait qu’il le savait … que je ne suis pas du genre à lui montrer que je l’aime alors que … bien sur que si je l’aime. J’aime ma famille, et si l’un d’entre eux à besoin de moi, je suis prêt à tout quitter sur le champ pour eux. Nous avons bien des défauts chez les Parker, mais je crois que Peter mis à part, nous ne manquons pas d’amour les uns pour les autres. Nous avons juste des manières différentes de l’exprimer. Mais pour le moment, il faut surtout gérer ce qu’il vient de se passer avec Simon. On m’a bien dit qu’un médecin pouvait se charger de lui expliquer tout ça, mais au fond je crois que je sens qu’il faut que ce soit moi. Il faut que ce soit sa famille à son chevet, qui lui explique ce que lui et nous tous venons de vivre. Et c’est moi qui suis là actuellement. Le même qui a vécu cette terrible overdose, chez moi. Il ne crois pas que ce soit possible que Liz soit là, et surtout il me traite de menteur lorsque je lui pare des trois semaines qui viennent de s’écouler. Je soupire longuement en baissant la tête. Si seulement … « Sim’ … Je sais que c’est sans doute difficile à encaisser pour toi … Je suis désolé, j’aurais préféré t’annoncer autre chose, mais l’important c’est que t’es réveillé. Ça va aller maintenant. Tu es en vie, et on est tous là pour t’aider à aller mieux. » C’était une épreuve difficile, mais heureusement pas irréversible. Maintenant que le pire était passé, nous allions pouvoir travailler avec lui pour aller de l’avant, et qu’il s’en sorte sur la durée !

Je lui souris chaleureusement lorsqu’il me dit qu’il est désolé, utilisant ce surnom qu’il m’a donné. Garagisteman. Je m’en souviens de quand il m’a donné ce surnom. C’est bien ironique d’ailleurs, puisqu’il l’a trouvé le jour où nous avons passé ce deal, qu’il vende de la drogue pour moi, cette drogue qui fait qu’il est couché aujourd’hui dans ce lit d’hôpital. Mais j’essaye de me concentrer sur nous surtout, et sur le fait que moi aussi je lui avait trouvé un nom de super-héros en retour. « Allez, t’inquiète pastèqueman ! C’est derrière nous maintenant tout ça, on va de l’avant ! » Je l’espérais en tout cas. Mais mon sourire disparu légèrement en l’entendant me promettre de ne plus recommencer. Je fronce légèrement les sourcils … Oui, je ne suis pas le couteau le plus affûté du tiroir c’est bien connu, mais je ne suis pas totalement idiot non plus. Il a soigneusement évité une partie de mes propos là. Il vient chercher ma main, mais je m’en défais tout aussi rapidement. « Simon. » Lui lâchais-je plus durement cette fois. Je pouvais être conciliant, sur le fait qu’il faudrait su temps, mais je n’accepterai pas qu’il se foute de ma gueule par contre. « Promets-moi de ne plus reprendre de drogue, que tu vas accepter de te sevrer. » Cette fois, pas possible pour lui de prendre un détour. Les mots sont clairs, nets précis, et mon ton est sérieux. Il a intérêt à répondre ce que je veux entendre où ça risque de très mal se terminer.

Simon est désemparé face à tout ça, mais comment lui en vouloir. Ce qu’il s’est passé ce jour-là dans mon appartement m’a traumatisé, les conséquences ont traumatisé toute ma famille, mais aujourd’hui c’est à lui d’être traumatisé par ses propres actes. Qui peut se réveiller après plus de trois semaines de coma sans être complètement perdu et désemparé ? J’essaye de me mettre à sa place mais j’ai bien du mal. C’est comme si on t’enlevais un petit bout de ta vie, vie qui a continué pour tous les autres, alors que pour toi c’est juste le noir absolu. Je peux entendre juste à ses mots, à son temps, qu’il cherche a comprendre quelque chose de quasi inexplicable. Il me parle de Sienna et je soupire en repensant à ce qu’il s’est passé quand elle a débarqué. « En tout cas, elle est venue te voir. Et plus d’une fois, on s’est un peu tous relayés avec la famille. » Ce qui est certain c’est qu’avec Sienna par contre, nous nous étions soigneusement évités depuis cette fameuse gifle qu’elle m’avait donné en arrivant. Elle me tenait pour responsable, comme Liz avant. Si cette dernière avait su relativiser en apprenant tout de suite des choses dont elle n’avait pas idée et avait eu une réaction tendre et attentionnée envers moi, avec Sienna je savais que ce serait plus compliqué. Je crois que ces quelques mois où ça allait mieux entre nous n’étaient qu’une parfait illusion, je ne suis pas fait pour être proche de ma famille et en prendre soin.

Seulement après ce moment à essayer de comprendre, les choses ne tournent vraiment pas comme il faut dans cette chambre d’hôpital. Je veux qu’il me promette qu’il va arrêter de se droguer, qu’il va se sevrer. C’est peut-être bien ironique d’attendre ça de la part du dealer que je suis, mais là il s’agit de mon petit frère, pas d’un parfait inconnu dans la rue. Il soupire avant de me répondre, le visage toujours larmoyant. Mais lorsqu’il me dit qu’il ne peut pas me promettre ce que je lui demande, qu’il se contente de me dire qu’il va essayer, je sens la colère reprendre possession de mon corps. Sérieusement ? Il va juste essayer ? Il tente de reprendre ma main une nouvelle fois mais je m’en dégage encore plus sèchement. Mon regard se fait dur alors que j’essaye tant bien que mal de contenir ma colère. « Merde Simon t’es vraiment un putain d’égoïste ! » C’est sorti tout seul. Je ne peux plus retenir ce que je ressens là, il est temps qu’il comprenne que ses décisions ont des conséquences sur nous tous ! On m’a reproché ça à moi depuis des années alors que ce que viens de faire Simon est encore pire je crois ! Je me lève alors du lit, m’écartant un moment les poings crispés comme pour contenir ma colère avant de me retourner à nouveau vers lui et de le pointer de mon index quelques secondes. « Est-ce que tu te rends compte un seul instant de ce qu’on a ressenti tous ici ! Tu crois que ça ne concerne que toi ? Tu crois vraiment que ça ne nous impacte pas de te voir totalement fantomatique à cause de ta came ? Tu crois que te voir tomber chez moi n’a pas eu d’impact sur nous … sur moi ? T’étais mort Simon ! T’as failli y rester chez moi ! T’es mon frère, t’as pas le droit de faire ça ! » Je ne suis pas le plus bavard habituellement sur mes émotions, mon ressenti, mais entendre Simon parler ainsi … Je m’approche alors à nouveau, mais sans m’asseoir cette fois, le regardant toujours. « T’as pas l’air de le comprendre, ou peut-être que tu ne le veux tout simplement pas, mais on a tous besoin de toi. T’es un Parker, comme les autres. » Je m’arrête, baissant les yeux un instant. Je sais que ce que je m’apprête à dire et à faire en fonction de sa réponse aura des conséquences, mais après plus de trois semaines ici à son chevets, j’atteins moi-même un point de rupture. « Je te le redemande une dernière fois Simon. Promet moi que tu vas arrêter la drogue, promet moi que tu vas te sevrer. Je sais que ce sera difficile mais on sera là pour t’accompagner, alors promet le moi. » Mon regard se fait toujours aussi dur, alors que je suis suspendu à cette réponse qui je l’espère, sera enfin remplie de bon sens.

Je sens la colère m’envahir de plus en plus. Je crois que je suis à bout. Ça fait trois semaines que je dois vivre avec ce qu’il s’est passé dans mon appartement, trois semaines que je viens ici régulièrement, me demandant si je vais devoir lui faire ou non mes adieux, trois semaines que je dors mal, que je travaille un peu au garage, mais l’esprit embrouillé de toutes ces pensées qui vont toutes vers mon petit frère dans son lit d’hôpital. En définitive, trois semaines que je ne vis que pour lui. J’aime mon petit frère, sincèrement, mais je crois qu’il ne se rend pas compte d’à quel point il me rapproche du point de rupture à chaque fois qu’il se dévalorise, qu’il se fait du mal, qu’il essaye, selon ses mots, de nous aider en faisant des choses pourtant stupides. Je n’en peux plus, je suis à bout, et je me sens tout proche d’exploser à ce moment précis. Je le traite d’égoïste, et lui acquiesce simplement, ajoutant qu’il le fait en pensant à nous. Pardon ? En pensant à nous ? Je souffle en fermant les yeux un instant, essayant de garder mon calme. Mais c’est là qu’il me donne le coup de grâce avant que moi je ne reprenne la parole. Est-il vraiment en train de m’expliquer qu’il est désolé d’être tombé chez moi et pas ailleurs ? Il croit vraiment que c’est ça le problème ? Je sens mes doigts se crisper sous la colère. « T’es vraiment un putain d’enfoiré Simon ! Heureusement que t’es tombé chez moi putain ! Mais heureusement ! Quand est-ce que tu vas te mettre dans le crâne que ce qu’on veut, c’est te voir en vie et heureux ! Tu n’arranges personne en cherchant à crever ! Personne ! » Allez, calme-toi Jared. C’est Simon, il sort du coma, ce n’est pas facile aussi pour lui … mais putain, j’en peux vraiment plus là …

Mais c’est comme s’il n’en finissait jamais. Tout ce qu’il a pu faire est toujours tourné dans sa bouche de manière à ce que ce soit une connerie absolue, pour laquelle nous lui en voudrions toute notre vie. C’est comme s’il refusait de comprendre qu’on tient à lui, et peu importe ce que je lui dis, j’ai l’impression que rien ne change. Têtu et borné … un vrai Parker en somme. « On a besoin de toi parce que t’es notre frère ! Et que c’est pas parce que t’as merdé jusqu’ici que tu vas merdé encore ! T’as fais des choix, que tu pensais bon même s’ils ne l’étaient pas, mais rien, absolument rien aujourd’hui ne t’empêche de réparer ces erreurs, et encore moins de refuser notre aide pour le faire ! » Simon ne se rendait même pas compte qu’il créait son malheur seul. Rien n’est jamais fixé dans le marbre, tout peut toujours être arrangé, mais pour ça il faut déjà le vouloir et accepter les mains quand elles sont tendues.

Et puis finalement, vient le sujet le plus sensible de tous, sa consommation de drogue. Je lui ai demandé de me promettre une première fois d’arrêter la drogue, question qu’il a soigneusement contourné. Alors je le lui ai demandé plus directement, et il n’a pas voulu me faire cette promesse. Je lui laisse une seconde chance mais encore une fois, il refuse. Il termine en me disant qu’il n’en a pas la force et ne veut pas que nous portions cela. Comme s’il nous rendant service. C’est trop pour moi. « Mais tu t’écoutes Simon ! Tu crois que tu nous rends service en restant dans cet état ? Que tu nous fais plaisir, que c’est comme ça qu’on veut que soit notre frangin ? Putain Simon, ait au moins le courage d’assumer tes décisions, merde ! » Mon regard ne lâche pas le sien, mais mon visage est marqué par la colère. « ça fait trois semaines Simon. T’as aucune idée de ce qu’on a vécu ces trois dernières semaines. Mais non, toi tu veux continuer tes conneries et tu sembles même pas voir le problème ! Je peux plus. J’ai essayé, j’ai vraiment essayé. Aujourd’hui aurait du être le jour le plus heureux de ma vie avec ton réveil, et tu cherches juste encore à tout gâcher tout seul, comme un grand. » Car c’est bien ce qu’il faisait, il se sabotait purement et simplement ! Et finalement, c’est comme si ma colère retombait pour laisser place à quelque chose de plus grave. « J’abdique Simon. Je laisse tomber. C’est ce que tu voulais après tout non ? » Et après avoir dit ça, je commence à reculer vers la porte de sa chambre, prêt à quitter les lieux.

Je crois qu’on ne change jamais vraiment. On a beau tenir de beaux et grands discours sur le fait qu’on peut toujours changer, qu’il ne tient qu’à nous de prendre notre vie en main pour en faire quelque chose de beau, chassez le naturel et il revient au galop. Quand Liz a débarqué dans cette chambre, j’y ai pourtant cru. J’ai cru vraiment fort que je pouvais changer, que je pouvais être ce grand frère qui pouvais prendre soin de sa famille, l’épauler. J’aurais pourtant du me rendre compte que c’est déjà ce que j’essayais de faire depuis plusieurs mois et que j’échouais lamentablement. Quel frère laisse consciemment son petit frère consommer de la drogue, se servir même dans sa réserve ? Je suis Jared Parker, un crétin fini qui fait toujours les mauvais choix. C’est comme ça, c’est dans mon adn, magnifique héritage laissé par papa. Je suis comme lui, on me l’a assez répété et Liz a bien pris soin de le faire avant de me laisser croire que je pouvais être une bonne personne qui pourrait lui porter main forte. Là avec Simon, je sens bien que je perds pieds. Mon énervement, ma manière de lui crier dessus en est la preuve. Je suis en train de lutter, entre cette personne que je veux être et celui que je suis vraiment, prêt à abandonner pour s’écarter de tout ça et retrouver un peu plus de calme. Du moins, je n’ai pas une vie si calme, en témoignent mes nombreux cassages de gueule, mais toujours plus que celle que je vis actuellement. Au moins dans la vie que j’ai toujours mené, il ne s’agit que de moi, je ne souffre pas à cause d’un petit frère qui refuse de m’écouter et se consume à petit feu. C’est plus facile comme ça … et moi je suis comme ça, je suis attirée par la facilité.

Simon a beau me dire qu’il est désolé, reconnaître qu’en effet c’était mieux de tomber chez moi pour que je puisse le secourir, je n’y arrive plus. Tout sonne faux désormais dans sa bouche, je suis au point de rupture. J’en arrive à ce moment où plus rien de ce que j’entendrais, et plus rien qui ne sortira de ma bouche ne sera rationnel. J’ai besoin de me calmer, et je ne peux le faire ici. Surtout quand il recommence à sortir ses conneries là. Je ne comprends pas tout ce qu’il raconte, surtout quand il parle de … sa sirène ? Je peux imaginer qu’il s’agit d’une relation amoureuse, mais il ne m’a tellement jamais rien dit à ce sujet. Au contraire, il est plutôt du genre baise d’un soir lui. En témoigne nos discussions sur les cages de foot. Cette pensées aurait presque pu me faire sourire dans un autre contexte. Alors, je me concentre sur le sujet dont j’ai connaissance, le premier qu’il a évoqué. « Tu n’as pas violé Sienna ! Arrête de penser que tu y es pour quelque chose ! Tu n’as absolument rien fait pour que ça arrive ! » Je me fiche bien de savoir qu’il pense avoir été négligent ou quoi, la vérité c’est qu’il n’a jamais souhaité ça et que ça me tue qu’il s’en rende coupable ! « Tu ne te rends même pas compte que c’est en nous écartant et en nous empêchant de t’aider que tu nous rends malheureux Simon. » Il nous rend impuissant face à son malheur et ça, c’est difficilement acceptable pour moi. Et puis il continue de parler, me mettant dans la tronche que jusqu’à présent nous l’avions laissé consommer sans rien dire. La plus grosse erreur de ma vie, et l’entendre dans sa bouche me fait terriblement mal. « C’est ça le truc Simon ! J’ai fais une putain de connerie en te laissant consommer, mais moi au moins j’essaye de réparer mes erreurs ! » Ce que lui ne veut même pas essayer de faire visiblement ! De toute façon, le mal est déjà fait. Je ne peux déjà plus revenir en arrière. Il a refusé de me promettre qu’il allait arrêter. Je ne lui ai même pas donné de délais, juste qu’il le fasse. Mais non, pour lui c’est impossible, alors je n’ai plus rien à faire ici.

Je recule après lui avoir dit que j’abdiquais. Mon ton est moins énervé, mais autrement plus grave. Et je pense qu’il l’a senti puisqu’il m’implore presque de ne pas partir. Mais c’est trop tard. J’ai essayé. J’ai vraiment essayé. Mais on ne change jamais vraiment. Il y a des choses qui sont ancrées, au plus profond de nous, et moi je ne suis pas fais pour être grand frère et protéger les miens. J’ai échoué, comme d’habitude. Avec Sienna, avec Simon. La première m’a giflé avant que nous ne nous adressions plus la parole, le second souhaite continuer à se détruire malgré tous mes efforts. Après tout, j’ai l’habitude de l’échec, il jalonne ma vie depuis tellement d’années. Ce n’est qu’un de plus. Particulièrement douloureux pour le coup quand même. Mais je vais les laisser continuer à me mettre sur le dos toutes les erreurs de la famille, si c’est ce qui peut leur faire du bien. Peut-être que c’est ce que je mérite. Pour toutes les fois où Sienna et Liz ont du réparer mes conneries. Pour avoir laissé Simon se servir dans ma réserve de drogue, et pour toutes les autres petites merdes que je traîne ici et là. « Je suis désolé Simon … je peux plus … J’ai besoin … j’ai besoin ... » De m’éloigner de lui ? Je n’ose pas le dire, c’est trop dur, trop cru, alors même qu’il sort du coma. « Salut Simon ... » Lui dis-je en baissant la tête, arrivant prêt de la porte. Et alors je me retourne, j’ouvre la porte et je sors. Je ne m’arrête pas, me hâtant de quitter l’hôpital. J’ai besoin de sortir d’ici et de ne plus y retourner, ça a été trop dur ici ces dernières semaines. J’ai besoin de fuir, comme je l’ai toujours fait. J’ai besoin de rentrer chez moi. J’ai besoin de … Gabriel.