Aveux [Mia]

Beaucoup de ponctuation. Tyler a l’air nerveux dans son message. N’importe quand je me mettrais en pause du travail pour lui. Il passe avant tout. Heureusement, je n’avais aucun rendez-vous cet après-midi. Et si je prends du retard, je peux le reprendre plus tard, comme je n’avais rien prévu d’important ce soir. Je préviens papa et Juliet qui prendront mes appels en mon absence, et promet de leur ramener quelque chose du Starbucks à mon retour. Justin reste à l’écart, comme d’habitude, et je pars vers le Starbucks.

Tyler a tôt fait de me faire signe. Je lui fais un salut puis va commander mon café latté. Tyler est accroc au sucre, je suis accroc à la caféine. On carbure à ça papa et moi. Une fois mon breuvage en main, je rejoins mon frère et me penche pour l’embrasser sur la joue, ne remarquant même pas le chiot qui dort dans son sweat. « J’ai promis à papa et Juliet de leur rapporter quelque chose en retournant au bureau. Tu es sûr que ça va ? Tu m’avais l’air nerveux dans ton message. Je dois m’inquiéter ? »

Impossible pour Tyler de me mentir. Il n'essaie donc même plus et c'est tant mieux. Ainsi, il me dit qu'en effet, il est nerveux. Apparemment, papa sait déjà de quoi il s'agit, et c'était plus facile de lui en parler qu'à moi. Ça me surprend. Est-ce que j'ai déjà été fermée à discuter sérieusement ? Qu'aurais-je pu faire pour le laisser croire qu'il ne pouvait pas me parler ouvertement ? Je suis en trainde me remettre en question quand il poursuit. Il a deux choses à m'annoncer. Les deux importantes, mais une plus facile à dire que l'autres.

Mon visage est habillé d'un air sérieux. Mon rouge à lèvre rouge et mon tailleur ne doivent sans doute pas aider. Je suis en mode travail, et je suis bien plus intimidante ainsi qu'à la maison. Mais je souris légèrement pour le rassurer. « Ty... Tu as toujours pu me dire tout ce que tu voulais. Tu peux compter sur moi. Dis-moi ce qui se passe. »

Il enchaîne en me présentant son petit chiot en ouvrant son sweat. Je regarde par-dessus la table et ma bouche devient un O parfait. Je me lève de ma chaise et approche pour caresser la tête du chiot en écoutant le récit. « Tu es sérieux ? Envoie-moi l'adresse, j'irai voir. » Qui sait, je rentrerai peut-être avec un chien, moi aussi ? Je ne sais pas si papa sera d'accord, mais je pense que ça peut m'être bénéfique. Je n'aurai pas le choix de le sortir et donc d'aller marcher. Et je pourrai l'emmener à mon chalet avec moi. « Tu en as parlé à Rose ? Il y a peut-être quelque chose qu'elle peut faire pour éviter qu'ils soient piqués. Comme trouver une ferme d'élevage, ou quelque chose comme ça. »

Quand Crevette se réveille, Tyler me le tend et je le prend avec plaisir. « Viens voir tata Mia. » J'ai l'air d'une enfant. Mon frère sait combien j'adore les animaux et du coup, en écoutant son histoire, je me dis que je ferais mieux d'aller voir ce refuge avec Rose. Je me rassois à ma place avec le chiot dans mes bras qui se rendors. je vais sans doute devoir passer un coup de rouleau sur mon tailleur pour enlever les poils, mais ça devrait aller. Je caresse le chien en écoutant l'horreur que ce refuge a l'air d'être. « J'irai voir ça avec Rose le plus tôt possible. » Quand il dit qu'il va devoir le nourrir au biberon, je souris. En fait, ça ne sera pas mal pour lui. Avoir une vie qui dépend de lui, ça le poussera peut-être à être un peu plus prudent. « Je pense que c'est une bonne chose pour toi. Un chat n'aurait pas été bon pour toi, puisque ça dort toujours. Un chien, lui, va te pousser à dépenser de l'énergie, va pouvoir te suivre. C'est parfait. »

Il me dit qu'il va l'emmener au travail pour le faire dormir dans un tiroir. Je hausse un sourcil. « Je t'interdis d'enfermer ce chien dans un tiroir. Tant qu'à le faire dormir dans notre mobilier, achète-lui un lit. Mais attention, il ne sort pas de ton bureau. Ça peut être dangereux pour les allergies. Et si papa refuses que tu l'aies au bureau, tu peux toujours travailler de la maison au pire. On s'arrangera. » Je baisse les yeux sur la boule de poil qui s'est endormi, bien blotti contre moi et je souris. Un petit silence s'installe avant que je ne relève les yeux.

« Ty... Parle-moi. Tu te sentiras mieux après. Tu ne peux pas me choquer. Si tu arrives à parler à papa, tu sais très bien que tu peux me parler aussi. »

J'imagine papa craquer devant Crevette et je souris. Mais en parlant des allergies, je sens qu'il manque d'un peu de prudence. « Ce n'est pas parce que tu ne le sais pas qu'il n'y en a pas. On ne demande pas aux gens s'ils sont allergiques quand on les embauche. Nous n'avons pas le droit de poser ce genre de question. Et puis il y a une différence entre la poussière et un chien. C'est pour ça que je te dis que ton chien ne sort pas de ton bureau. C'est un lieu de travail tout de même. Après, ce sera à papa de décider. Je te souhaite qu'il te laisse l'emmener. »

Nous en venons au sujet plus sérieux. Je sens qu'il a besoin d'une petite poussée alors je lui demande de me parler. Il m'explique qu'il n'en a pas parlé à papa, mais que le sujet a plutôt déballé tout seul. Maintenant, ça le gêne d'en parler et je pense savoir ce qu'il veut me dire. Mais dans son explication, il me l'avoue sans le vouloir. Sur le coup, j'affiche de la surprise, puis je souris. Je baisse les yeux sur le chien. Je réagis comment maintenant ? Mon sourire a l'air un peu amusé. « Il était temps. » Phrase qui donne l'indice que j'étais au courant déjà. Je relève les yeux sur mon frère, l'air bienveillante, presque comme une mère plutôt qu'une soeur. « Je suis contente que tu m'en parles Tyler. Vraiment contente, tu n'as aucune idée. » Peut-être arrive-t-il à voir l'intense soulagement que ça me procure. Ça fait des années que je me demande, après tout, s'il ne manque pas de confiance en moi. « Et tu sais, ça ne change absolument rien. Tu es mon petit frère un peu bête qui se prend les pieds dans le tapis et qui fait courir Arthur sans cesse. » Je souris un peu plus, à nouveau amusée, et lui tend la main pour qu'il la prenne. « Peu importe avec qui tu couches, ça ne change rien pour moi. Tu es parfait. »

« Si les gens acceptent de répondre les allergies, c’est tant mieux, mais on n’exige pas de réponse. On n’a pas le droit. Secret médical oblige. Les gens ne sont pas obligés de nous divulguer une telle information et ils pourraient revenir contre nous. » Je préfère que ce soit clair. Je ris légèrement quand il me demande de le laisser rêver de son chien dans son bureau. Je hoche la tête, le laissant parler. Si papa refuse, il n’aura pas le choix d’obéir de toute façon. Ça ne sert à rien que je m’obstine. C’est papa qui aura le dernier mot. Il se compare à un chien et je ris un peu plus. « Oui, tu viens de te comparer à un chien. Gentil toutou. » Je ris encore.

Puis la discussion devient sérieuse. Il m’annonce enfin qu’il est gay et j’échappe sans le vouloir qu’il était temps. Il m’interroge alors et je hoche les épaules, l’air innocente. Il me demande comment je sais qu’il est gay et je lui dis simplement que je suis contente qu’il m’en parle. Je le rassure ensuite en lui disant que ça ne change vraiment rien pour moi, qu’il reste parfait à mes yeux. Il me dit qu’il n’aura plus peur de rejeter les femmes devant moi et je ris légèrement encore une fois. N’a-t-il jamais remarqué que j’assurais ses arrières, tout ce temps ? Il me dit alors qu’il est soulagé et me parle de sa conversation avec papa. Apparemment papa lui a dit qu’il ne voulait pas qu’il couche avec quelqu’un de l’entreprise ou partenaire de l’entreprise. Cette règle s’applique à moi aussi, sauf que moi c’est moins sûr que ça arrive. Je le coupe dans son élan. « … Et c’est déjà fait… avec Derek. » Je le regarde, un sourcil haussé et en souriant, l’air de le taquiner un peu. Je sais qu’il se demande comment je sais tout ça. C’est sans doute le temps pour moi d’expliquer.

« Je suis au courant depuis des années Tyler. J’attendais juste que tu aies assez confiance pour m’en parler. C’était à toi à faire ton coming out, pas à moi de le faire pour toi. Tu habitais encore avec papa et moi quand je l’ai su. J’ai surpris Derek en train de sortir en sous-vêtement de ta chambre. » Je pose les yeux sur le chiot qui dort dans mes bras comme un bébé. « Il m’a fait promettre que je ne t’en parlerais pas, même si je n’en avais pas l’intention. » Je repose alors les yeux sur lui. « Tu n’as jamais remarqué, dans nos soirées de charité par exemple, que je venais te sortir de l’embarras aussitôt qu’une fille semblait s’accrocher un peu trop à toi. J’ai toujours assuré tes arrières, petit frère. Même avec ton amour pour Elsa. »

Je ne m’obstines pas davantage avec Tyler concernant les entrevues d’embauche. Tant qu’on ne nous revient pas avec une plainte pour manque d’éthique, ou autres, je n’ai pas à me plaindre. Je me concentre plutôt sur ses aveux et mon cœur est rempli de joie qu’il m’en parle enfin. Je ne comprends pas ce qui lui a prit autant de temps, mais j’ai sérieusement cru qu’il n’avait pas assez confiance en moi pour m’en parler. Maintenant que c’est fait, c’est un poids en moins sur mon cœur et Dieu sait que j’en ai besoin. Je lui explique comment j’ai su la vérité et son regard s’agrandit aussitôt que je nomme le nom de son meilleur ami. Il me dit qu’il va lui parler, l’air presque jaloux que j’aie vu son ami en boxer. « Ne sois pas trop dur avec lui. C’était un accident, et même s’il ne m’avait pas supplié de ne rien te dire, je n’aurais rien dit. C’était à toi de faire ton coming out quand tu allais être prêt. Pas à moi, ou à lui. C’est par respect pour toi qu’on ne t’en a pas parlé. »

Je lui raconte que je l’ai toujours défendu des filles un peu trop collantes et même par rapport à son amour pour Elsa et il me confie qu’il a toujours cru que c’était parce que je voulais le protéger des profiteuses. Je lève les yeux, réfléchissant un peu à l’idée. « Oui, sans doute un peu aussi, mais surtout parce que je voulais te sortir de l’embarras. » Il me demande alors comment je sais pour Elsa, sachant qu’il n’a fait aucun Cosplay du personnage. Mon sourire est un peu plus triste, mais pas moins sincère. « Tu sais, ma relation avec Kevin a été destructrice, mais grâce à lui, au moins, je suis devenue très observatrice. » Il me fallait après tout reconnaître les signes de sa colère, pour me protéger. Je désigne alors son téléphone sur la table. « Et puis regarde ton étui de téléphone... Mais ça va. Elsa est un personnage fort. Tu as toutes les raisons du monde de l’apprécier. Si on me posais la question, je disais que je t’avais donné le défi de mettre ça comme étui, ou que je te l’avais offert en cadeau pour rire. Personne n’est allé chercher plus loin. » Je baisse les yeux sur le chiot, caressant sa tête et même un peu entre ses yeux et sur son museau, avant de relever la tête sur mon petit frère. « Ta grande sœur sera toujours là pour veiller sur toi, j’espère que tu t’en rends compte encore plus qu’avant maintenant. »