Le contact tant attendu.

Je devrais être à l’université en ce moment. Je devrais avoir mes livres dans les bras et être sur le point d’entrer en cours. Mais il n’en est rien. Je ne sèche pas. Je suis seulement renvoyée de l’université après avoir "agressé" une autre fille quand j’ai voulu me défendre. Gosse de riche, cette petite garce a probablement fait aller ses relations pour me nuire. Évidemment, la jeune noire tout droit sortie du Maine est sans aucun doute la seule fautive dans cette histoire. Parce que forcément, la couleur de ma peau fait forcément de moi quelqu’un de violent.

Je devrais être à l’université en ce moment, mais je ne le suis pas. Papa a été en colère lorsqu’il a su que j’avais été renvoyé et depuis, on se fait la gueule un peu, mais sans non plus se détester. Au moins, j’ai pu conserver mon emploi à la clinique vétérinaire, où j’étais stagiaire. J’ai de la chance qu’ils aient bien voulu me garder, et comme je suis disponible, j’ai pu avoir un peu plus d’heures en remplaçant les autres. Et ne pas aller à l’école me permet aussi de passer un peu plus de temps au 2nd Chance Refuge. Je n’ai pas toujours des cours d’autodéfense, mais y être un peu plus souvent montre à Warren que je suis sérieuse. Puis, avec ma formation au karaté, j’ai pu mettre un gars à terre une fois quand il a voulu me faire chier.

Mais du coup, après m’être un peu entraînée et avoir dépensé de l’énergie, et surtout avoir pris une douche, me voilà sortie du refuge pour aller manger un morceau.  Je crève la dalle. Pourtant, en chemin, je m’arrête en voyant un lieutenant de police bien concentrée dans sa paperasse. Je ne sais pas ce qu’elle fait là, mais…

J’ai beaucoup pensé à Laura depuis qu’elle m’a dit qu’elle était ma mère biologique. Évidemment, je n’ai pas parlé d’elle à mon père, n’ayant pas envie de créer des tensions pour lui à son travail. Mais j’ai beaucoup réfléchi et je me suis dit que si j’avais aussi mal réagi, c’était seulement à cause du fait qu’elle travaille pour mon père. Ça m’a laissé croire qu’elle me surveillait depuis tout ce temps alors qu’il n’en était rien. D’autant plus que la perte de ma mère pesait toujours sur ma tête. Du coup, en voyant Laura là, s’occupant de ses affaires, ça m’a donné envie de lui parler. J'ai bien dit cet été que je reprendrais contact avec elle quand je voudrais. Et puis, c’est bientôt Noël, non ? Du coup, je m’avance vers elle, mon sac de sport sur l’épaule. « Salut… »

Décembre était là. La neige n’allait pas tarder à tomber, Noël allait arrivé et l’ambiance était bonne enfant pour tout le monde. Tout le monde sauf Laura. La jeune femme broyait du noir depuis quelques mois déjà. Elle avait réussi à rencontrer sa fille biologique, celle qu’elle avait du abandonné parce qu’elle était trop jeune et à cause de la pression de ses parents. Si elle avait eu le courage, elle aurait gardé l’enfant avec elle. Mais à 15 ans, on n’avait pas toujours le dernier mot. Pendant longtemps, Laura s’était demandée ce qu’aurait été sa vie avec Emily. Son père biologique serait sans doute rester aussi, mais Laura avait coupé les ponts dès qu’elle avait du abandonner l’enfant. D’ailleurs, elle n’avait plus eu de nouvelles depuis ce moment... Lorsqu’elle avait eu l’occasion, Laura avait retrouvé la trace d’Emily et avait veillé sur la jeune femme. Le hasard avait fait que le lieutenant était sous les ordres du capitaine qui était le père adoptif d’Emily. Les choses étaient donc un peu compliqué. Puis il y avait eu ce moment où Laura avait rencontré Emily et lui avait dit qui elle était. La rencontre ne s’était pas passée comme prévu et la blonde s’en voulait de ne pas avoir choisis les bons mots, d’avoir choisi le bon moment. Elle n’avait pas chercher à reprendre contact avec la jeune femme, préférant que ce soit elle qui le fasse et aujourd’hui, le destin la remettait sur son chemin...

Ce jour là, Laura avait été occupé toute la matinée par différentes affaires. Il fallait qu’elle regroupe des témoignages, qu’elle remplisse différents papiers et elle ne vit pas le temps passé. L’heure du repas arriva rapidement et elle décida d’aller chercher un petit sandwich pour le manger sur un banc comme elle le faisait d’habitude. Elle pourra toujours ranger ses papiers tout en mangeant. Le temps n’était pas trop mauvais. La blonde attendit son sandwich tout en regardant ses papiers. Perdue dans ses pensées, elle ne sentit la présence d’Emily que lorsque cette dernière la salua. Laura leva les yeux de ses papiers et fut surprise de trouver sa fille devant elle.

«Oh salut Emily.»

Puisqu’elle n’avait pas chercher à prendre des nouvelles de la jeune femme, Laura était loin d’imaginer qu’Emily n’était plus à l’université. Le lieutenant regarda l’homme qui prépara son sandwich et lui demanda :

«Tu as faim ? Je t’invite.»

Laura lui sourit doucement et sa fille commandé ce qu’elle voulait manger avant de lui dire :

«Je suis contente de te voir. Tu vas bien ?»

Je ne sais pas pourquoi j’ai envie de parler à cette femme. Je n’ai pas eu une bonne expérience avec les mères. La mienne s’étant lâchement suicidée après avoir été horrible avec moi, et Laura m’ayant abandonnée à ma naissance, je ne sais pas pourquoi j’ai envie de lui parler. Mais comme c’est Noël, je vais lui donner une petite chance. Ou m’en donner une à moi en fait. Du coup, je vais la voir et sa surprise me fait sourire. Elle me sourit aussi et tout de suite après m’avoir saluée, elle m’offre le repas. Je hausse les épaules. « Ouais, okay. » Le but était d’aller manger de toute façon, non ?

Mon beanie sur la tête, je commande à manger et attend mon sandwich avec elle. Le fait qu’elle soit contente de me voir me fait secrètement plaisir. Si on me posait la question par contre, je dirais le contraire. Je dirais que je n’en ai rien à faire parce qu’elle m’a abandonnée, que j’ai juste été polie avec elle, surtout parce que c’est l’employée de mon père. Mais la vérité est toute autre. Quand elle me demande comment je vais, je hausse les épaules nonchalamment. « Ouais, ça va je crois. » Disons que depuis que je l’ai vu, je me suis calmée. Sauf que je me suis calmée juste assez tard pour avoir le temps d’être renvoyée de l’université. « Et toi ça va ? Tu habites dans le coin ou tu es sur une affaire ? » Pas que ça m’intéresse hein ! Du moins, je l’avouerai pas du tout… Mais elle, ça l’intéresse peut-être de savoir pourquoi je suis aussi loin de la maison. Oui parce que le Bronx c’est pas à côté de Brooklyn, où on vit, et elle sait peut-être où mon père habite… Sait-on jamais si le sujet a été mentionné dans une conversation.

Je pointe derrière moi le 2nd Chance Refuge, oubliant complètement qu'à cette heure-ci, je devrais plutôt être en cours. « J’arrive de là. Je prends des cours d’autodéfense. » Je la regarde alors à nouveau. « J’ai mis un crétin par terre. Il se pensait plus fort que les autres. C’était cool de le remettre à sa place. » Je sais pas pourquoi je lui raconte ça. C’est con, j’ai aucune raison. Ça l’intéresse probablement même pas de savoir ça. Je détourne donc les yeux. « Enfin… on s’en fout. » Nos sandwiches arrivent donc pour me sortir de là et je remercie le vendeur, suivant Laura pour manger.

Laura était loin d’imaginer qu’Emily viendrait lui parler. La lieutenant avait gardé ses distances depuis leurs dernières discussions. Elle n’avait pas envie de s’imiser dans la vie de la jeune femme et surtout, elle voulait garder de bonnes relations avec son capitaine qui était aussi le père adoptif de la brune. Tout ça était un peu compliqué, surtout depuis qu’Erin était partie... Sa meilleure amie lui manquait, elle aurait pu lui parler de tout ce qui se passait dans sa vie actuellement, mais elle ne l’avait pas fait et maintenant, elle n’était plus là... Bien sûr, il y avait Adrien qui était au courant puisqu’il l’avait aidé à retrouver Emily. Il était au courant de tout, l’écoutait se plaindre aussi... Mais elle aurait aimé en parler avec Erin. La lieutement avait longtemps hésité et finalement, c’était trop tard... Peut-être qu’elle lui en parlerait par téléphone ?

Pendant qu’elle attendait son sandwich, Laura se retrouva donc devant Emily. Cette dernière ne semblait pas heureuse, mais pas mécontente non plus de la voir. La situation était un peu délicate. Laura ne savait pas trop comment s’y prendre avec la jeune femme... Peut-être est-ce que ça allait venir doucement ? Elle lui proposa donc de l’inviter à manger ce que la jeune femme accepta tout de suite. C’était un bon début. Après avoir commander, les deux femmes se regardent, mais n’osent pas parler jusqu’à ce que Laura demande à Emily comment elle va. Cette dernière lui dit que ça va. Du moins, elle le croyait. La lieutenant la regarda pendant un moment. Est-ce qu’elle avait le droit de lui demander si ça allait vraiment ? Est-ce que ça n’allait pas se transformer une fois de plus en dispute ? Mais avant qu’elle ne puisse le faire, Emily reprit la parole en lui demandant si elle allait bien et si elle était là parce qu’elle habitait dans le coin ou si elle était sur une affaire.

«Je vais bien merci. Je n’habite pas par ici, je suis sure une affaire. Plusieurs commerces se sont fait cambrioler ces dernières semaines. Et puis, j’avais besoin de changer de mon quartier habituel.»

Laura sait qu’Emily est loin de chez elle, mais elle ne le mentionne pas. Après tout, la jeune femme a vingt ans, elle sait ce qu’elle fait. La lieutenant n’a pas envie de faire la police avec sa fille. La dernière conversation qu’elles ont eu a été explosive alors pas besoin de rajouter de l’huile sur le feu. Et puis, ce n’est peut-être pas une bonne idée que Laura dise qu’elle sait où ils habitent... Elle l’avait su au détour d’une conversation avec le capitaine, disant seulement le quartier où ils habitaient. D’ailleurs, le capitaine savait aussi où habitait chacun de ses policiers. Emily lui pointa alors un batiment plus loin derrière elle. 2nd Chance Refuge. C’était aubaine que ce genre de refuge ouvre pour les jeunes du quartier. Elle était surtout surprise de savoir qu’Emily était loin de son quartier pour profiter des installations du Refuge. D’ailleurs, cette dernière lui dit qu’elle y prend des cours d’auto-défense. La blonde fronça les sourcils. Pourquoi sa fille avait-elle besoin de cours d’auto-défense ? Emily lui dit alors qu’elle avait mit un crétin par terre parce qu’il se pensait plus fort que les autres et c’était cool. Laura sourit légèrement. Effectivement, elle se souvient de ses premiers cours d’auto défense et la satisfaction de mettre un de ses collègues au sol. Emily lui dit alors un «on s’en fou» et sa mère biologique lui dit :

«Non, on s’en fou pas. Viens, on va se mettre là.»

Il y avait quelques tables hautes dehors malgré le froid. Laura posa son dossier sur la table et prit une bouchée dans son sandwich avant de poursuivre.

«J’espère que tu n’as pas de problèmes pour prendre des cours d’auto défense ? Quoique c’est toujours bien d’en prendre, surtout lorsqu’on se promène toute seule dans le Bronx...»

Ce n’était pas un reproche, mais elle s’inquiétait un peu pour la jeune femme. Elle ne voulait pas qu’elle se retrouve toute seule face à des cambrioleurs ou pire. Elle avait que le quartier avait la vie dure depuis des années.

«Mais j’avoue que la satisfaction de mettre au sol un mec, c’est toujours grisant. Ils se prennent tellement pour les plus forts.»

Parfois, Laura se demandait si ses collègues réfléchissaient avec leurs muscles plutôt qu’avec leur cerveau. Ils manquaient de délicatesse. Laura regarda sa montre et fronça de nouveau les sourcils.

«Loin de moi l’idée de te faire la morale, mais tu ne devrais pas être en cours ?»

Elle venait de se rendre compte qu’elles étaient en plein milieu de la semaine et en plein milieu de la journée et qu’Emily devrait être en cours... Sauf si elle n’avait pas cours aujourd’hui ?

Je ne suis pas le genre à me confier à qui que ce soit d’autre qu’Andrew. Pourtant, je parle de ma vie sans trop me retenir, comme si j’avais l’habitude de parler à Laura, ce qui me pousse à dire qu’on s’en fout quand je réalise ce que je suis en train de faire. Elle m’invite à la suivre pour qu’on s’assoit à une table haute dehors. Elle pose son dossier sur la table et commence à manger. Je fais de même sans dire un mot. Ma mère biologique me dit alors qu’elle espère que je n’ai pas d’ennuis qui m’obligent à prendre les cours que je prends. Je hausse les épaules nonchalamment. « Ça va. Je m’en sors bien depuis longtemps. T’inquiètes. »

Elle confirme que c’est grisant de mettre un homme à terre. Je lève les yeux de mon sandwich pour la regarder et hoche la tête. C’est vrai que dans sa ligne de métier, elle a sans doute eu à faire ses preuves. Minute, serait-ce de l’admiration que j’aurais pour elle ? Non. Je préfère éviter ça. C’est débile. Je ne vais pas admirer qui que ce soit d’autre que mon père. Du moins, jusqu’à ce qu’il ne m’abandonne lui aussi. Du coup, je garde le silence et repose les yeux sur mon sandwich que je mange.

Puis elle me pose cette question. Je relève les yeux en l’entendant, puis les repose à nouveau sur mon sandwich, visiblement embêté par la question. Pourtant, je fais semblant que je m’en fous, que ce n’est pas important. Je hausse les épaules alors. « Bof… une connerie. J’ai été renvoyée… » Évidemment, je dis que c’est une connerie mais ça n’en est pas une. Surtout pour elle j’imagine. « Ça faisait une semaine que je t’avais rencontrée donc j'étais déjà à cran. Une connasse et ses copines ont décidés de me faire chier en m’insultant, comme quoi je ne plaisais à personne, pas même à ma famille, puisque mes parents biologiques m’ont abandonné et ma mère adoptive est morte. Elle a même ajouté que ma mère s’était détruite pour ne plus avoir à faire à moi. » Visiblement, cette histoire me touche. Je ne relève toujours pas les yeux sur elle, jouant avec mon sandwich pour me distraire. « Je me suis énervée, elle m’a poussée alors je me suis défendue. On s’est battue et elle m’a dénoncé au directeur qui, bien sûr, est l’ami de son père. Du coup, c’est bibi qui a été renvoyée. »

Laura ne savait pas trop comment s’y prendre avec Emily parce que la dernière fois qu’elles s’étaient parlées, c’était partie un peu en vrille... En même temps, la lieutenant avait tout déballer d’un coup, ce qu’elle n’aurait pas du faire... mais comment aurait-elle du s’y prendre au final ? Elle ne savait pas, mais les choses étaient faites. Maintenant, les voilà toutes les deux devant une table haute devant un restaurant pour manger un  sandwich et la discussion s’engage finalement facilement. Laura lui demande comment se passe ses cours d’auto-défense, heureuse d’avoir une sujet de conversation avec sa fille biologique. Cette dernière lui dit qu’elle s’en sort bien depuis longtemps, qu’elle ne doit pas s’inquièter. Laura lui fit un petit sourire. Malgré tout, malgré le fait qu’elle n’est pas été dans la vie de sa fille, la lieutenant ne peut s’empêcher de s’inquiéter, mais elle décide de ne pas le dire à haute voix. De toute façon, est-ce qu’elle allait la croire ? C’était autre chose. Puis, Laura lui dit que c’était grisant de mettre un homme au sol. Les yeux d’Emily se posent sur elle. Voilà, elles avaient finalement un point commun. Laura avait plusieurs fois battus ses collègues masculins lors de petites compétitions au sein du commisariat.

Pour continuer la conversation, toujours à marcher sur des oeufs, Laura demande à Emily si elle ne devrait pas se trouver en cours. Cette dernière lève de nouveau les yeux avant de la baisser et la lieutenant ne cache pas son étonnement lorsqu’elle lui dit qu’elle a fait une connerie et qu’elle a été renvoyé. Emily lui explique alors ce qui s’est passé et Laura se sent un peu mal parce que c’était en partie de sa faute si la jeune femme était à cran... Elle l’écouta lui dire que des filles l’avaient insulter concernant sa famille, disant que personne ne voulait d’elle et rajoutant que sa mère s’était sans doute détruire pour ne plus avoir à faire avec elle. Laura pose son sandwich et lève une main qu’elle avait l’intention de poser sur l’épaule de la jeune femme, mais ne le fait pas. Elles ne se connaissent pas assez. Emily est touchée par l’histoire, elle le sent. Emily termine en disant qu’elle s’était énervée, que l’autre fille l’avait posé pour finalement en venir aux mains. Puisque la fille l’avait dénoncé au directeur et que son père était ami avec ce directeur, c’était Emily qui avait été renvoyé. Laura secoua la tête légèrement.

«Je vois que les choses n’ont jamais vraiment changer à l’école... C’est toujours les personnes les plus influantes qui ont le dernier mot...»

Laura reprit son sandwich pour en prendre une bouchée avant de dire :

«Je ne suis pas là pour te faire la morale Emily. Tu t’es défendue, c’est ce que j’aurai fais aussi. Ce que je trouve déplorable, c’est que cette fille ne soit pas punie pour tout ce qu’elle dit. Tu te rends compte ? Ces paroles peuvent être blessantes pour n’importe qui, même si tu sembles être forte, je vois bien que ça te touche.»

Elle posa doucement une main sur l’épaule d’Emily.

«Quand... quand j’étais enceinte de toi, on m’a mise à l’écart aussi. Ma famille, mes amis. La seule personne qui restait présente, c’était ton père biologique, mais ma famille a tout fait pour qu’on se sépare et ils ont réussi en m’emmenant loin d’où j’avais mes habitudes...»

Laura baissa les yeux pour regarder son sandwich.

«Je n’ai pas de leçons à te donner Emily. Tu t’es défendue et puis c’est tout. Pour ma part, cela n’aurait pas du être que dans un sens.»

Laura voulait lui dire plein de choses, mais elle se demandait vraiment si c’était le moment d’en parler. Elle prit la bouteille d’eau qu’elle avait acheté avec son sandwich et bu.

«Tu comptes faire quoi maintenant ? Travailler ? Reprendre tes études ?»

Puis, la lieutenant se rendit compte qu’elle parlait à Emily comme si elle se lançait dans un interrogatoire. Elle secoua la tête et lui dit :

«Pardon... déformation professionnelle. Tout ça ne me regarde pas bien sûr.»

Elle lui fit un petit sourire timide avant de passer sa main dans ses cheveux et de reprendre :

«En tous les cas, je suis contente qu’on puisse discuter toi et moi, ça me fait plaisir...»

À sa réponse, je sens que Laura est touchée par mon récit. Ça me fait étrange. Je n’ai plus vraiment eu ce genre de contact avec une femme depuis que ma mère adoptive a perdu les pédales. Enfin, sauf avec ma tante, mais elle travaille beaucoup, et moi aussi, et je ne la vois pas si souvent. J’ai l’habitude de me tourner vers elle quand j’ai besoin de conseils d’une femme, mais avoir quelqu’un d’autre me fait du bien. En fait, avoir une personne de plus de mon côté, je crois que ça joue aussi beaucoup dans la balance. « C’est pas quelque chose qui va changer ça. » Elle reprend alors la parole en me disant qu’elle n’est pas là pour me faire la morale. Honnêtement, je n’étais pas inquiète à ce sujet. Même si elle avait voulu, ça n’aurait fait que me braquer, et je ne l’aurais pas vraiment écoutée. J’ai déjà eu droit à ce speech de la part de mon père, alors ça va. En fait, Laura a l’air plus remontée contre cette connasse qui m’a insultée.

Sa main vient toucher mon épaule et elle me parle alors de sa grossesse. Oulah, ça me fait vraiment bizarre ça. J’ai l’impression que mon cœur vient de manquer un battement. Jamais… Jamais on ne m’avait parlé de ça. Normal après tout. J’ai entendu des anecdotes de quand j’étais gamine, mais pas de quand j’étais bébé, ni de quand je n’étais même pas encore née. Un frisson vient me prendre alors que je croise les bras. Elle sait un peu ce que je vis. Elle sait ce que c’est que d’être mise à l’écart. J’en veux à ses parents. Au fond, ce sont eux qui m’ont volé ma vie. Je détourne les yeux, comme si le sujet me mettait mal à l’aise, et Laura arrête d’en parler. Elle prend une gorgée d’eau et me demande ce que je compte faire maintenant. Elle s’excuse après et je la regarde. Elle a l’habitude d’interroger les gens et je ne l’avais pas vu comme ça personnellement. Après tout, j’ai l’habitude. Mon père est flic aussi.

Elle me dit que ça ne la regarde pas et elle me dit alors qu’elle est contente qu’on puisse discuter ensemble. Je souris alors légèrement. Je vois qu’elle est timide et que ça lui coûte beaucoup de dire une chose pareille. « Moi aussi je suis contente. » Attention… serais-je en train de baisser ma garde ? J’inspire un grand coup. Je sais qu’elle est intéressée par ce j’ai à dire, alors je lui accorde le bénéfice du doute. « Pour l’instant, je travaille là où je faisais mes stages. Le patron a accepté de me garder à la réception. Je travaille dans une clinique vétérinaire dans Manhattan. » Me confier ne me ressemble pas, à part si c’est à Andrew, mais je veux bien essayer cette fois. « Je ne sais pas encore si je vais retourner aux études, au plus grand désarroi de mon père. Je sais juste pas si être vétérinaire me plaît vraiment en fait. Du coup, je sais pas. »

Laura était contente de se retrouver avec Emily parce que c’était la première fois que ça arrivait et surtout, c’était dans le calme. Leur dernière conversation n’avait pas été des plus calmes... Alors elle en profita. La lieutenant expliqua ce qui s’était passé pour sa part lorsqu’elle avait été enceinte. Elle en voulait toujours à ses parents. La jeune femme aurait voulu garder sa fille, mais ça n’avait pas été possible. La pression familiale avait été trop dur. Pendant qu’elle raconte son histoire, Emily croise les bras, sans doute pour se protéger. Laura comprenait que la jeune femme soit un peu distante. Son enfance n’avait pas du être facile et surtout, les questions qui venaient par la suite lorsqu’elle avait du apprendre qu’elle avait été adopté... Laura s’en voulait encore pour ça. Elle remercia silencieusement Adrien qui l’avait aidé à retrouver la jeune femme. Puis, la blonde change de sujet. Elle voit qu’aucune des deux n’est à l’aise avec ce sujet. Elles avaient encore du chemin à faire. La lieutenant changea de sujet en lui demanda ce qu’elle comptait faire avant de s’excuser. Elle n’osait pas trop lui poser de questions. Elle fit le petit sourire de la jeune femme et elle lui répondit. C’était la première fois qu’elle voyait Emily sourire. Et elle était aussi contente d’avoir cette conversation. Il y eu quelque chose qui se libéra en Laura. Bien sûr, ce n’était pas encore gagné, mais ce sourire était le point positif de la conversation. Puis Emily lui répondit qu’elle pouvait toujours travailler à l’endroit où elle avait fait des stages. Elle était à la réception d’une clinique vétérinaire. Laura but une autre gorgée de sa bouteille avant de l’entendre dire qu’elle ne savait pas si elle voulait retourner aux études, elle savait seulement qu’elle ne voulait pas être vétérinaire, que ça ne lui plaisiait pas beaucoup. Laura posa sa bouteille et lui dit :

«Personnellement, je pense que c’est bien que tu es découvert que le métier ne te plaisait pas, parce que ça t’aura éviter de faire des années d’études pour rien.»

Elle lui sourit doucement avant de rajouter :

«Peut-être as-tu des domaines qui te plaisent plus que d’autres ? Parfois, il faut faire plusieurs recherches pour découvrir ce que tu aimes vraiment. Parfois, comme moi, le métier vient comme ça, c’est une vacation. Mais je pense qu’il faut prendre son temps. En plus, tu as un petit boulot, c’est déjà bien. Si jamais tu as besoin d’aide, n’hésites pas.»

Elle prit une bouchée de son sandwich qu’elle finit avant de rajouter :

«Et ne te laisses pas influancer par les choix de ton père. Ce n’est pas parce que c’est mon supérieur que je dis ça. Je pense que les parents ne devraient pas imposer leurs choix à leur enfant... Crois moi mon expérience personnelle, mes parents n’ont jamais voulu que je sois policière...»

Le problème avec mon boulot, ce n’est pas vraiment le métier en tant que tel. C’est surtout la cruauté dont les humains peuvent faire preuve. J’ai assez subi dans ma vie pour ne pas avoir à me sentir encore plus dégoûté par les gens en voyant comment ils peuvent traiter leur animal juste en faisant leur bilan de santé. J’ai déjà assez peu foi en l’humanité, j’aimerais ne pas la perdre complètement. C’est déjà difficile de vivre tous les jours alors… Laura me dit qu’elle pense que c’est bien que j’aie découvert que le métier ne me plaisait pas puisque ça m’évitera des années d’études pour rien. À cela, je réponds simplement d’un haussement d’épaule, l’écoutant poursuivre.

Y a-t-il d’autres domaines qui m’intéresseraient ? Sans doute. Je ne sais juste pas lesquels. Pour elle, ça a été facile. Le métier de policière était une vocation, mais même si j’ai vu mon père dans ce boulot toute ma vie, je sais que moi je n’y arriverais pas. Surtout, mieux vaut ne pas me mettre une arme entre les mains. Je ferais des dommages je crois. J’ai si peu confiance en moi que je suis certaine que je finirais ripoux. « Je sais pas. Le truc, c’est qu’il me faudrait un domaine où l’être humain n’a pas de chance de me dégouter. Mais il n’y en a pas vraiment beaucoup des domaines du genre. » Du moins, pas qui me viennent en tête.

La voir manger sa bouchée me rappelle que j’ai un sandwich entre les mains alors j’en prends une bouchée moi aussi, l’écoutant me dire de ne pas me laisser influencée par mon père. Elle me dit qu’elle croit que les parents ne devraient pas imposer leurs choix à leurs enfants et elle m’avoue que les siens ne voulaient pas qu’elle soit policière. Je baisse les yeux. « Pourtant, ce sont eux qui t’ont dit de me mettre en adoption. » Aïe. Cette phrase vient de me blesser moi-même alors je n’ose pas imaginer l’effet que ça a eu sur elle. « Mmh, Pardon. Oublie ça. » Je me ferme totalement au sujet. Je ne veux pas y repenser. « T’inquiètes pas pour mon père. Je pense qu’il est surtout inquiet de me voir aussi perdue, mais je sais que peu importe mes décisions, il sera de mon côté. Il l’a toujours été. Comme quand j’ai tapé cette connasse qui l’a mérité et que j’ai été renvoyée de l’université… »

J’inspire profondément en regardant mon sandwich. J’ai plus très faim maintenant. Je relève les yeux sur Laura avant de lui laisser l’occasion de reprendre la parole pour revenir sur ce que je lui ai dit plus tôt. « Au fait… J’ai décidé de lui dire que tu es ma mère biologique. Je sais pas comment, ni quand, mais c’est pas juste de garder le secret. Je pense que c’est important qu’il sache. »

La discussion se déroulait tranquillement et c’était plutôt agréable parce que la dernière fois où Laura avait parlé à Emily, ce n’était pas la meilleure des choses. Elles discutèrent de tous et de rien. Elles discutèrent du fait que la jeune femme avait découvert que le métier qu’elle voulait faire n’était pas fait pour elle, rajouta qu’elle ne savait pas si c’était le cas. Elle rajouta qu’elle aurait besoin d’un domaine où l’être humain ne la dégouterait pas. Laura eu un petit sourire. Effectivement, il y avait très peu de domaine où cela pourrait arriver...

«Tu trouveras, j’en suis certaine.»

Laura continua de manger son sandwich. Elle enchaina sur le fait qu’Emily ne devait pas se laisser influencer par son père. Cette dernière baissa les yeux tout en disant que c’était pourtant les parents de Laura qui l’avait forcer à mettre Emily à l’adoption. Le coeur de Laura se serra dans sa poitrine et elle déposa son sandwich sur la table devant elle. Bien sûr, son conseil était sans doute mal placer. Elle s’excusa rapidement avant de continuer sur le sujet de son père, disant que la policière ne devait pas s’inquiéter pour le commissaire. Il était sans doute inquiet de voir sa fille aussi perdu, mais que peu importait les décisions qu’elle prendrait, il sera son coté. Laura sourit doucement. Les Stewart avaient été de bien meilleurs parents qu’elle-même l’aurait été.

«J’aurai aimé que mes parents soient de mon coté lorsque je t’ai eu. Vraiment. Tes parents étaient vraiment les parents que j’imaginais pour toi. Tu méritais de tomber sur des gens bien.»

Laura était peut-être un peu jalouse d’ailleurs du fait que les Steward aient été ceux qui avaient été là dans les moments importants d’Emily. Elle aurait aimé être là pour sa famille et c’est peut-être pour ça qu’aujourd’hui, elle essayait de passer le plus de temps possible. Il y eu un petit silence avant que Emily ne dise qu’elle voulait dire à son père que Laura était sa mère biologique. Elle ne savait pas encore comment lui dire ni quand, mais c’était important. Laura hocha doucement la tête.

«Je pense que tu as raison. Ce n’est pas saint de le laisser en dehors de ça. Et puis, je pense que je vais lui devoir quelques explications aussi... Même si le fait que je sois dans son unité est totalement le fruit du hasard.»

Laura but une gorgée d’eau avant de rajouter :

«Si tu as besoin que je sois là, tu n’auras qu’à me le dire. Je pourrais me libérer...»

Laura n’avait pas peur des conséquences, au pire des cas, elle sera muté dans un autre commissariat si monsieur Stewart ne voulait plus voir son lieutenant... Mais elle doutait qu’elle bouge de ce commissariat, mais elle devait être prêt à tout.

Lui faire cette remarque sur ses parents et leur implication dans mon adoption, ça réveille une telle haine et tant de colère en moi. J’ai juste envie de tout plaquer et aller boire un coup. Mais je reste là à manger mon sandwich, lui disant d’oublier ce que j’ai dit. Pourtant, elle ne lâche pas l’affaire. Je sais que j’ai dû lui faire du mal mais là, tout de suite, je n’arrive pas à m’en vouloir. J’ai mal moi aussi après tout. Pourquoi est-ce que je serais désolée pour sa douleur à elle ? J’ai beau avoir essayé de changer de sujet en lui disant de ne pas s’en faire pour mon père puisqu’il s’inquiète sans doute juste pour moi, elle ne laisse toujours pas tomber ce que j’ai dit. Et elle me répond.

Elle aurait aimé que ses parents soient de son côté quand elle m’a eu… Elle blâme ses parents. Mais moi, ce que je viens de lui dire, c’est qu’elle a accepté ce que ses parents lui ont dit. J’étais SON bébé, pas celui de ses parents. C’était à ELLE à prendre une décision, quite à partir loin d’eux s’ils n’étaient pas contents. Elle n’était pas sans repères après tout, non ? Puis New York ne manque pas de ressources pour aider les adolescents qui sont dans la situation qu’elle était. Je trouve ça simplement frustrant qu’elle me réponde ça. Mon cœur se serre et j’ai envie d’éclater.

Mais je ne fais rien.

Mon visage reste de marbre tandis que je mange mon sandwich. J’ai l’air de complètement m’en foutre de ce qu’elle dit en fait. C’est comme si ça me passait dix pieds par-dessus la tête. Changeant encore de sujet, je lui dis que je vais dire à mon père qu’elle est ma mère. Elle me dit que c’est une bonne idée et elle propose qu’elle soit là si j’ai besoin. « Non, ça ira. Je préfère être seule avec mon père. » Je vais lui annoncer à la maison, et je ne veux pas qu’elle vienne à la maison. Elle n’a rien à faire là.

Mon sandwich terminé, je me lève en inspirant un bon coup. « C’était bon. Merci pour le sandwich. » Je regarde la poubelle tout près et va jeter mon papier dedans avant de revenir. « Je vais pas te déranger plus longtemps pendant ton enquête. De toute façon, je dois aller prendre le métro pour rentrer et me préparer. Je sors ce soir. » Où, je l’ignore, mais je vais sortir, ça c’est sûr. Sans doute avec Zane. Je lui écrirai.

Laura ne devrait peut-être pas tant insister, mais Emily est sa fille non ? Elle ne voulait que son bien, mais finalement, c’était peut-être le contraire qui se passait… Le lieutenant parlait et parlait du fait que ses parents avaient été des bourreaux pour sa grossesse, peut-être qu’elle aurait du partir, mais à quinze ans, où aller ? Ce n’était pas facile. Emily ne semblait pas le comprendre, pensant surtout à elle-même ce que Laura pouvait comprendre. Contrairement a ce qu’elle pensait, la jeune femme ne perdit pas pied. Comme si elle gardait tout en elle. Laura se disait que ce n’était pas bon, mais elle n’osa pas le lui dire. Parce qu’au fond, elle ne connaissait pas sa fille aussi bien qu’elle le voudrait. Elle la regarde continuer de manger son sandwich jusqu’au moment où la brune lui dit qu’elle va en parler à son père, son père adoptif. C’était le chef de Laura, alors cette dernière lui proposa naturellement d’être présente, mais Emily refusa. Elle préférait être seule avec son père. Laura baissa les yeux et lui dit :

« D’accord. Je comprends. »

La jeune femme avait fini son sandwich, lui disant que c’était bon et la remercia pour le repas. Laura hocha doucement la tête avant de se lever à son tour. Son repas n’était pas terminé, mais elle n’avait plus vraiment fait. Emily revient vers elle en lui disant qu’elle n’allait pas la déranger plus longtemps, elle rajouta qu’elle devait rentrer pour aller se préparer pour sortir le soir même. Laura lui sourit doucement et lui dit :

« D’accord, bonne soirée à toi, sois prudente… »

Laura la regarda partir et alla jeter son sandwich non terminé dans la poubelle. Tout ça allait être très dur. Elle avait du mal à prendre sa place. Peut-être qu’elle devrait laisser Emily tranquille au fond ? Elle avait déjà un père dans sa vie… Loin de s’imaginer que dans quelques mois, son véritable père allait revenir dans le décor…