Help me {feat. Liam Smith}

« Liam… » Elle me reconnaît. Bien. Je vois dans ses yeux qu’elle est en train de réaliser quelque chose, peut-être qu’elle est en sécurité, qui sait. Quoi qu’il en soit, son corps se donne enfin le droit de flancher, comme s’il savait qu’elle est en sécurité. Quand elle tombe sur le sol à genoux, je lui attrape les bras par réflexe et commence tout de suite le travail. Je regarde un infirmier. « Un fauteuil roulant, tout de suite ! » Puis je regarde une autre infirmière et je n’ai même pas besoin de lui dire quoi que ce soit qu’elle va immédiatement préparer un lit pour celle-ci. Je m’accroupis et force son regard à croiser le mien. « Rose ? Je vais m’occuper de toi d’accord ? »

L’infirmier trouve immédiatement un fauteuil roulant et dès que je le vois arriver, je regarde Rose. « Rose, accroche-toi à mon cou d’accord ? » Je l’aide ainsi à se lever et l’aide à s’installer sur le fauteuil. Une fois au lit fraîchement préparé, je me penche vers Rose. « Il va falloir que tu te changes d’accord. Je vais laisser Joanie t’aider et je reviens tout de suite après, c’est promis. » Normalement, j’ai fini mon quart de travail mais quelque chose me retient ici. Si ça avait été quelqu’un d’autre, j’aurais donné le relais à un autre, mais comme c’est elle… La voir dans cet état me perturbe énormément. J’ai peur d’apprendre ce qui a pu lui arriver. C’est une femme que j’ai aimé par le passé, je ne lui souhaite donc que tu bien, et savoir qu’elle n’est pas heureuse me fend le cœur.

Quand l’infirmière vient me prévenir que Rose est changée et prête, je retourne la voir à son lit. Je porte désormais un nouveau sarrau et je suis prêt à m’occuper d’elle. J’ai déjà prévenu les autres urgentologues sur place comme quoi je vais m’occuper d’elle et elle seule étant donné que j’ai normalement fini mon quart de travail. Ils n’y voient aucun inconvénient, étant trop occupés de toute façon avec les autres patients. « Rose ? » Je sais qu’elle me reconnait, mais j’ai l’impression de marcher sur des œufs. Je reste professionnel et bon dans mon métier, mais… C’est Rose. « Explique-moi ce qui t’es arrivée, tu veux bien ? » Je pose alors ma main sur son front. Elle fait de la fièvre et elle est visiblement frigorifiée. A-t-elle marché dehors sans manteau longtemps au point d’en arriver là ? Doucement, sans précipiter quoi que ce soit, je l'examine en écoutant son histoire.

Depuis que je suis médecin, j’oublie souvent la possibilité que mes mains sont froides et donc je remarque que Rose frissonne sous mon toucher. Malheureusement, je ne peux rien y faire puisqu’il faut que je l’examine. Elle semble exténuée, ça c’est certain. Et sa fièvre ne devrait pas être un problème. Vite fait, elle semble hors de danger mais c’est son histoire qui me permettra de savoir ce que je devrai faire. Donc j’écoute attentivement le début.

Visiblement, cette histoire la perturbe énormément. Elle me dit qu’elle est longue et compliquée et donc j’assume qu’elle n’a pas envie d’en parler. Je lui souris tristement. « Je me doute que ce soit difficile Rose, mais si tu veux que je t’aide, je dois savoir ce qui t’arrive, question de savoir si je devrais te faire passer des tests, ou quoi que ce soit. » Elle ferme les yeux et commence son récit. D’après ce que je comprends, elle a rencontré quelqu’un qui a un passé difficile. Sans juger, je reconnais bien Rose déjà dans cette histoire. Elle ne juge jamais un livre par sa couverture. Elle trouverait le meilleur dans le pire des connards. Elle a toujours été comme ça, du moins à mon avis. C’est pour ça qu’il était facile de l’approcher. Qui ne voudrait pas connaître une personne comme elle ? Cet homme dont elle me parle a beaucoup de chance. Du moins, il en avait jusqu’à ce qu’il soit contacté par son ancien patron pour un travail. Comme Rose, j’essaie de ne pas trop juger cet homme, mais s’il a réellement accepté de faire ce boulot pour la sauver comme elle le dit, je ne peux avoir que du respect pour cet homme. À moins bien sûr qu’il ait eu envie de faire ce travail, dans ce cas-là c’est autre chose. Tant que je n’aurai pas tous les éléments en main, je ne pourrai pas dire.

Selon Rose, le travail que le-dit Warren devait effectuer s’est mal terminé et il a dû partir. Partir ? Comme dans quitter la ville ? Je m’abstiens de toute question et attend la fin. Rose a été séquestrée puis relâchée par son bourreau. Quel type d’homme relâcherait une femme aussi facilement après l’avoir séquestrée ? N’avait-il pas peur qu’elle parle ? Elle termine en disant que les deux avaient des projets, ce qui me donne l’indice que leur relation était sérieuse avant qu’il ne s’évanouisse dans la nature. Je dépose ma tablette de papier et m’assoit alors sur le lit. Elle se dit à elle-même qu’il faut avancer et je hoche simplement la tête. Je sais ce que c’est que de perdre un être cher avec qui on voulait passer notre vie. « Je suis sincèrement désolé pour toi Rose. Mais comme tu as dit, il faut avancer. Et ça commence par prendre soin de toi et de ta santé d’accord ? Alors je vais te poser des questions et tu n’as qu’à me répondre franchement. Ce sera peut-être gênant, mais il faut que je demande. » Du regard, je l’observe en attendant d’avoir son approbation. « D’abord, pendant ton enlèvement, as-tu été violentée de quelconque façon, que ce soit violence physique ou sexuelle ? » J’attends sa réponse avec impatience. Je n’ai jamais aimé sortir le kit de test contre le viol. Je hoche la tête quand elle me confirme que ça n’a pas été le cas. « Bien, parfait. Et dis-moi… Ce que tu as vécu est grave. Est-ce que tu as contacté la police ? Ou veux-tu que je le fasse ? » Normalement, il ne faut pas que je pose la question. Je dois simplement le faire. Mais dans cette situation, c’est assez délicat. Peut-être que Rose souhaite ne rien dire pour protéger Warren. Si j’ai bien comprit, il a été impliqué dans une histoire illégale...

Voir Rose dans cet état me déplaît beaucoup. C’est comme si ma bienveillance envers elle s’était figée dans le temps en attendant que je la retrouve. C’est étrange comme sentiment. Ce ne serait pas non plus désagréable si ce qu’elle avait vécu n’était pas horrible. De me dire que pendant que je travaillais ici et que je vivais bien – pas merveilleusement non plus – elle, elle était séquestrée par un quelconque criminel pour assurer le bien d’une mission faite par son petit ami, mission qui finalement a échouée. C’est complètement dingue. Ce genre de chose arrive aux autres normalement. C’est tout de suite plus terrifiant quand ça nous arrive ou arrive à quelqu’un proche de nous.

Proche ? Non. Rose et moi ne sommes plus proches depuis longtemps. Pourtant, elle me confie absolument tout comme si j’étais son confident de toujours, comme si elle avait toujours une confiance aveugle en moi, et ça me fait un grand bien. À ma première question, Rose me dit qu’elle est seulement allée endormir pour être déplacée, mais qu’elle n’a pas été violentée. Du coup, on l’a droguée. Malheureusement, dépendant de combien de temps s’est écoulé, je ne trouverai pas la moindre trace de drogue dans son système. Selon ce que j’ai compris de son histoire, ça ne fait aucun doute qu’il n’y a plus de trace dans son sang.

Quand je lui demande si je dois appeler la police, elle réagit au quart de tour, criant un non catégorique. Je sursaute presque, la surprise se lisant sur mon visage. Je la regarde se laisser tomber contre son oreiller, le souffle court. Elle recommence à paniquer. Elle m’explique qu’un certain « Il » va s’occuper de cette affaire et qu’elle préfère savoir Warren en fuite plutôt qu’en prison. Son dévouement pour cet homme est admirable, je dois le dire. Son regard commence à se noyer et elle me supplie de ne rien dire à la police. Mes mains se posent sur son bras et je glisse vers sa main pour la serrer, signe qu’elle peut me faire confiance. « Si tu crois que tu n’es plus en danger, alors d’accord. Je ne dirai rien. C’est promis. » Ça ne me plaît pas, mais je crois que Rose sait ce qu’elle fait. Du moins, je l’espère. Quoi qu’il en soit, je n’ai pas l’intention de la perdre de vue, question de veiller sur elle. Ne sait-on jamais. « Détends-toi Rose. Tout ira bien. »

J’inspire profondément et la regarde se calmer. Mis à part le froid qui l’a mordue, je ne vois pas ce que je peux faire de plus pour elle dans l’immédiat. Tout ce dont elle a besoin, c’est du repos et de la détente. « Dans l’immédiat, je ne vois pas trop ce que je peux faire pour toi niveau médical. Je peux te prescrire un arrêt de travail mais ça, c’est à ta discrétion. Ça te ferait sans doute du bien de pouvoir te reposer. En revanche, l’idée de te laisser toute seule après ce qui s’est passé ne me rassure pas du tout. »

À mon plus grand soulagement, Rose accepte l’arrêt de travail. Ce n’est pas seulement en tant que médecin que je proposais ça, mais également en tant qu’ami. Travailler ne ferait que l’épuiser davantage. Certes, ça la distrairait mais ce n’est pas ce qui l’aidera à aller mieux. Il lui faudra malheureusement faire face à ce qu’elle a vécu. Si elle ne veut pas impliquer la police, il lui faudra malgré tout faire la paix avec cette histoire. Son petit ami est peut-être parti pour de bon, alors il faut qu’elle se donne le droit de passer à autre chose et reprendre sa vie en main. Mais seule, ce ne sera pas du gâteau, et je sais de quoi je parle. J’ai beau prodiguer de bons conseils, je ne les suis même pas moi-même. Je me perds dans mon travail après tout pour oublier que j’ai perdu Sam…

« Je pense que c’est mieux, oui. » La main de Rose dans la mienne, je la serre un peu pour lui montrer que je suis là, qu’elle peut compter sur moi, qu’elle n’est pas seule. J’écoute alors ce qu’elle me dit. J’ai l’impression qu’elle cherche à se convaincre elle-même que tout ira bien. Elle pense qu’elle sera seule, mais après elle me dit que sa meilleure amie sera là, mais qu’elle ne sera pas là… Sa meilleure amie… Mia ? L’héritière Mitchell ? Je m’en souviens vaguement de lorsque je sortais avec elle à l’époque. Bref, Rose semble confuse dans ses propos et je pose ma main de libre sur sa main qui tiens la mienne. Je lui offre un sourire bienveillant. « Rose, je suis là. On peut compter l’un sur l’autre toi et moi. Même si on s’est perdu de vu, ça n’a jamais vraiment changé. Pas pour moi en tout cas. Tu peux compter sur moi, dès que tu en auras besoin, je serai là. » C’est peut-être mal de penser une chose pareille, mais si ça peut me permettre de me perdre dans autre chose que mon travail, je veux en profiter.

Elle est épuisée. Ma main sur la sienne vient dégager ses cheveux et ensuite je pose ma main sur son front. Sa fièvre descend déjà on dirait. « Il te faut du repos. Beaucoup de repos. Mais autrement, tu n’as rien à part une fièvre qui partira probablement lorsque tu auras dormi. Préfères-tu rentrer ou rester ici ? Je peux rester avec toi si tu veux. »

Depuis que je connais Rose, je ne l’ai jamais vu être égoïste, mesquine, centrée sur elle-même. Elle a son caractère bien à elle, certes, mais c’est également une femme si douce, attentionnée qui pense toujours d’abord au bien d’autrui avant le sien. La connaissant, elle mettrait même le bien d’un animal avant le sien. Après tout, elle est devenue vétérinaire, ce n’est pas pour rien. Du moins, c’était dans ce but qu’elle étudiait à l’époque. Elle et moi partageons un peu cette passion de prendre soin des autres. Moi des humains et elle des animaux. Alors ce n’est pas surprenant pour moi quand je lui dis que je serai là dès qu’elle a besoin de moi et qu’elle peut compter sur moi qu’elle me répond qu’elle sera là pour moi aussi si j’ai besoin. Je souris, attendri. L’avoir devant moi, l’entendre me dire une chose pareille, ça me fait réaliser qu’elle me manquait. « On verra ça plus tard. Pour l’instant, on va s’occuper de toi d’abord. »

Je lui explique qu’elle a besoin de repos et qu’à part sa petite fièvre, elle n’a rien. Quand je lui demande si elle préfère rester à l’hôpital ou rentrer chez elle, elle avoue avoir plus envie de rentrer que de rester ici. Je la comprends. Je travaille ici et je sais d’avance que je ne voudrais pas rester ici en tant que patient. Rien à voir avec les employés, mais le confort de son chez soi, ça ne se remplace pas. Rose m’explique qu’en revanche, elle risque d’avoir des frayeurs en rentrant chez elle à cause de son enlèvement. Je hoche la tête pour montrer que je comprends. De toute façon, je ne compte pas la laisser comme ça toute seule. Je suis inquiet et je préfère veiller sur elle. Elle s’excuse de trop parler et me dit qu’elle veut simplement rentrer, mais ne veux pas être seule.

Après un hochement de tête pour lui dire que j’ai comprit le message, je me lève du lit et lui tend les mains. « Redresse-toi doucement, pas de mouvement brusque juste au cas où. Je te ramène chez toi, et je resterai avec toi aussi longtemps que tu en auras besoin. » Normalement demain, je devais travailler dans mon bureau toute la journée. Je n’ai pas de contact à avoir avec le moindre patient. Je peux simplement aller chercher l’ordinateur portable dans mon bureau et travailler de la maison. « Attends moi, je reviens. » Je quitte la chambre pour rapporter mon nouveau sarrau puis pour aller signer son autorisation de sortie. Une fois le tout fait, je retourne dans sa chambre, mon manteau accroché à mon bras et un sac à bandoulière sur mon épaule dans lequel j'ai des documents et mon ordinateur portable. « Prête ? » Sur ces mots, je l’accompagne jusqu’à la sortie de l’hôpital où je pose mon manteau sur ses épaules. « Tiens, mets-ça. Je préfère que tu le portes pour l’instant. » Sur ces mots, nous avançons pour aller à ma voiture et nous installer dedans. À l’intéreur, j’ouvre le chauffage à fond pour me réchauffer et garder Rose au chaud. Quand nous sommes prêts, je démarre et la laisse me diriger vers son appartement...

Je le vois dans ses yeux. Son regard s’est illuminé quand je lui ai dit que j’allais l’accompagner. Elle me demande si je suis certain et je hoche simplement la tête. « Je n’ai aucune obligation, et demain je pourrai faire du télétravail. Je ne travaille pas à l’urgence normalement. » Avant, j’aurais eu du mal à l’accompagner de cette façon en sachant que Sam m’attend à la maison, mais ce n’est plus le cas. Personne ne m’attend. Je suis très seul depuis qu’elle est partie. Du coup, je quitte la chambre et rassemble tout ce dont j’ai besoin avant de revenir dans la chambre et constater qu’elle est habillée. Parfait. Mon bras se dresse pour lui montrer mon sac accroché également à mon épaule. « J’ai tout ce dont j’ai besoin. Je te suis. » Nous quittons, celle-ci portant mon manteau, puis je conduis jusque chez elle avec ses indications. Elle soulève un pot de fleur sous lequel elle trouve le double de sa clé. Sa nervosité est palpable. La main sur la poignée, elle se donne du courage avant de finalement entrer. J’entre juste derrière elle, prenant soin de bien fermer derrière moi et verrouiller la porte. Je doute que nous craignions quoi que ce soit, mais si elle peut se sentir rassurée par ce simple geste alors autant le faire. Comme elle, je retire mes chaussures et la suit au salon. Pendant qu’elle fait le tour, je dépose mon sac. Tout semble être placé au bon endroit. On ne dirait pas qu’elle a été cambriolée, ce qui ne me surprend pas vraiment. Si j’ai bien compris sa mésaventure, son enlèvement n’était pas provoqué par une envie de cambriolage. Si vraiment la personne qui l’avait enlevée avait voulu la voler, Rose ne serait plus en vie maintenant.

Je regarde autour le décor. C’est chaleureux et confortable. J’aime bien. Mais je ne m’y attarde pas quand Rose s’adresse à moi. Elle me demande si je peux l’accompagner à l’étage, parlant de sa chambre. Je comprends sa peur. Ce doit être difficile, mais une partie de moi ne peut s’empêcher de se dire qu’en d’autres circonstances, cette invitation dans sa chambre pourrait vouloir dire autre chose. Mais pas cette fois. Je doute fortement que ce soit les intentions de ma douce amie. « Oui, bien sûr. » Je lui tends la main, comme pour lui montrer que je suis là pour elle et monte l’escalier devant elle. Une fois en haut, je la laisse passer devant pour me diriger. La porte de la salle de bain est ouverte. Serviette par terre, je me demande si c’est là qu’ils ont mit la main sur elle. Était-elle nue quand c’est arrivé ? Je la suis jusqu’à la chambre pour voir le téléphone par terre, ce qui répond à ma question.

La main de Rose échappe à la mienne et je la regarde avancer pour prendre son téléphone. Ça relève du miracle que le téléphone fonctionne encore. Elle a probablement un bon nombre de messages laissés sans réponse. Son travail déjà doit avoir essayé de l’appeler plusieurs fois. Espérons qu’elle ne l’a pas perdu cet emploi. Ce serait stupide. Rose regarde autour et je fais de même comme pour voir ce qu’elle voit, puis la regarde quand elle remarque que rien n’a été touché. Je m’avance vers elle doucement. « S’ils avaient voulu te cambrioler, ils n’auraient pas pris la peine de t’enlever. Tu serais morte, tout simplement. » Doucement, je viens passer mes bras autour d’elle pour la serrer contre moi, comme si j’essayais de lui donner du courage, ou pour me rassurer moi-même. « Dieu merci ce n’est pas le cas. » Je n’ose même pas imaginer comment je me serais senti si j’avais appris la mort de Rose. J’ignore comment je l’aurais su, mais je suis certain que ça aurait été brutal. J’ai l’habitude de côtoyer la mort. J’ai annoncé à de pauvres familles la mort de leur proche. J’ai été entraîné pour ça. Mais se faire annoncer la mort de quelqu’un apprécie, ce n’est jamais agréable. Je m’éloigne après un moment et prend son téléphone doucement, sans geste brusque. Son petit ami n’a probablement même pas pris la peine de lui écrire ou de l’appeler. Sinon elle aurait réagit à son signe de vie. Je commence à caresser ses cheveux avant de prendre parole. « Tu devrais aller prendre une douche, ou te changer et te mettre au lit pour te reposer un peu. Et ce soir, si tu es assez en forme, je te conseille d’appeler ton patron quand il ne sera plus là. Comme ça tu n’as pas à l’affronter directement et tu gagnes un peu de temps. Tu lui laisses un message sur sa boîte vocale et pour le reste, on verra demain. Mais aujourd’hui, tu te reposes. D’accord ? »

En lui disant d’attendre à plus tard pour appeler son patron, je n’insinuais pas qu’elle avait peur de lui. Je voulais surtout lui éviter de devoir affronter inutilement les questions de celui-ci si elle n’était pas prête. En revanche, je hoche la tête à sa décision. Elle peut faire ce qu’elle veut après tout. Et finalement elle décide que ce sera un sms, ce qui est encore mieux. Je l’observe aller à sa commode sortir un pyjama. Je n’aurais pas fait attention au style si elle ne m’en avait pas parlé, mais elle montre son pyjama et je souris. Mon sourire en revanche disparaît quand elle dit qu’elle devrait faire du ménage. Je la regarde sérieusement, croisant les bras l’air de lui dire d’arrêter de dire des bêtises. Elle ne va pas faire de ménage. Pas maintenant en tout cas. Je veux qu’elle se repose. Elle retire donc ce qu’elle a dit et s’en va à la salle de bain. Quand elle m’appelle Docteur et me fait un petit clin d’œil, je souris à nouveau. Qu’elle soit capable de se détendre de la sorte grâce à ma présence, ça me fait du bien, ça me fait plaisir. En dehors de mon métier, je ne m’étais pas vraiment senti utile depuis un bout de temps maintenant.

Sa main effleure la mienne et j’ignore si elle le fait exprès sur le coup. Je me dis qu’évidemment, elle ne l’a pas fait exprès, mais j’ai failli avoir le réflexe de l’attraper. Failli. Parce que je ne l’ai pas fait. Je n’ai pas de raison de le faire. Je lui souris affectueusement quand elle me remercie d’être là. « C’est normal. Je suis heureux si je peux t’aider Rose. Et encore plus si ma présence te rassure. » Je la laisse filer à la salle de bain et prépare son lit en tirant sur la couverture. Quand elle sort, j’attends qu’elle se mette au lit pour fermer moi-même la lumière. Elle me demande de mettre son téléphone en charge et je hoche la tête. Elle me dit ensuite de faire comme chez moi. « Je m’occupe de ton téléphone, » dis-je en le ramassant. « Et ne t’inquiètes pas pour moi, tout ira bien. Je serai juste en bas au salon si tu as besoin. »

Je me dirige alors vers la porte et ferme la lumière de la chambre. « Bonne nuit Rose. Repose-toi bien et fais de beaux rêves. » Je lui souris et ferme la porte derrière moi. Je descends ensuite à l’étage et je me rends au salon. J’attrape mon sac que j’avais déposé plus tôt et je sors mon ordinateur portable. Je décide de prendre de l’avance sur mon travail de demain pour pouvoir veiller sur elle au mieux. Ainsi, je travaille absolument toute la soirée. Je me suis commandé à manger pour le dîner et j’en ai même commandé un peu plus au cas où Rose se réveillerait en ayant faim. Elle ne l’a pas fait. Une fois bien épuisé de travailler, je regarde l’heure. Il est presque minuit. Du coup je me lève, enlève ma ceinture et ma chemise, et m’installe sur le canapé avec une couverture que j’ai trouvé dans un placard. La nuit est calme, paisible, et même si je n’ai pas le meilleur des sommeils, je suis tout de même bien là, à pouvoir veiller sur elle. Je suis pourtant loin de m’imaginer que nous allions reprendre éventuellement notre relation où nous l’avions laissé.