Vingt-et-un ans plus tard. [ft. Emily]

Vingt-et-un an plus tard

Michael Davis & Emily Stewart

Michael me reprend. Il me dit que pour lui, ça chance beaucoup de choses que je lui dise qu’il n’a pas à être désolé. Je hoche donc la tête. Tant mieux si c’est le cas. Je continue alors en lui disant qu’il n’a qu’à voir les choses positivement. Maintenant, j’ai quelqu’un avec qui vivre ces injustices face à nous. Je lui dis également qu’il y a pire dans la vie et que pour ma mère, on s’en moque puisque je la détestais de toute façon. Je sais bien que je ne l’ai pas convaincu. Je ne me suis pas convaincue moi-même. J’ai beau dire et répéter que je n’en ai rien à faire, mais c’est complètement faux. Cette femme fut une bonne mère autrefois. Ce que je devrais plutôt dire, c’est que mon deuil de ma mère, je l’avais déjà fait quand elle est morte. Je lui en veux d’être morte d’ailleurs. Elle m’a lâchement abandonnée au lieu de se soigner.

Puis il faut le dire : je n’avais pas prévu voir un cadavre au jeune âge de 17 ans.

Michael me répond. Il se montre bienveillant, ce que Laura a fait aussi. Évidemment, tous les deux veulent m’avoir dans leur vie. Ça me fait bizarre. J’ai l’impression qu’on compétitionne pour moi alors qu’avant, j’avais l’impression que personne ne voulait de moi. C’est trop bizarre. Michael me propose de lui parler n’importe quand si j’ai besoin de discuter. De par le même fait, il me propose donc de me donner une façon de le contacter. Je l’observe quelques secondes avant de hocher la tête. C’est bizarre. Laura ne m’a pas donné son numéro. Je n’ai rien demandé non plus remarque. Je savais de toute façon où la trouver, c’est-à-dire à quelques mètres du bureau de mon père dans l’open-space.

Je hoche faiblement la tête aussi et prends mon téléphone alors qu’il reprend en me disant qu’il habite aussi à Brooklyn. Sérieux, s’il dit qu’il habite le même quartier que moi, je flippe. Je lui tends mon téléphone sur l’écran d’ajout d’un contact et prends la parole par le même fait. « Sérieux ? Quel quartier ? On habite Clinton Hill près de Fort Greene. » Quartier historique et à la mode tout en restant modeste, j’ai toujours aimé ce quartier. Et puisqu’il n’est pas trop trop loin du pont de Brooklyn, je peux facilement m’y rendre pour traverser le grand point à pieds, au-dessus des voitures.

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ஃ She seems fine most of the time, forcing smiles and neverminds. Her laugh is a symphony, when the lights go out, it's hard to breathe. You pull at every thread, tryna solve the puzzles in her head. Live your life scared to death she'll decide to leave instead ஃ

C’était vraiment étrange quand même comme rencontre. Le genre de rencontre qu’on ne peut au final pas vraiment imaginer sans le vivre soit même. C’est ma fille, j’ai pensé à elle tout ma vie, j’ai attendu cette rencontre pendant vingt-et-un ans sans savoir si elle aurait lieu un jour et au final aujourd’hui, nous sommes plus comme deux stricts inconnus qui tentent un rapprochement par la force des choses. J’avais l’impression de la connaître à travers une fausse représentation que je m’étais créé avec le temps, mais ça n’avait rien à voir maintenant car peu importe la projection, il est quasiment impossible de tomber sur la réalité. Est-ce que ça ronge pour autant mon envie de la connaître ? Non, c’est juste différent de tout ce que j’avais pu m’imaginer et j’ai bien du mal à encaisser les déboires qu’elle vient de me raconter. Il faut bien pourtant, car la vie ne m’a jamais laissé le choix de faire autrement et que je n’ai rien à me reprocher, j’ai entrepris tout ce que je pouvais pour retrouver cet enfant.

Je la vois alors sortir son téléphone et me le tendre alors que je lui parle de Brooklyn, là où j’ai décidé de m’installer à mon retour à New York il y a plus de vingt ans pour m’éloigner du Bronx. Elle semble étonnée alors que pourtant c’est assez communs à New York des gens qui viennent de ce borough. Elle me dit alors venir de Clinton Hill et je souris doucement tout en attrapant son téléphone. « Crown Heights. Mais à l’opposé de Fort Green par contre. Je passe souvent devant avec mon taxi par contre, pour aller à Manhattan. C’est sympa comme coin. » En réalité à la base je n’avais pas vraiment choisit, j’avais pris le premier appartement que j’avais pu m’offrir avec mon petit salaire de taximan. Et puis finalement, j’étais tombé amoureux du quartier et de cette maison alors j’avais acheté l’ensemble pour m’y installer durablement. Après lui avoir dit ça, je rentre alors mon numéro de portable dans le sien avant de le lui rendre. « Tiens, n’hésite pas surtout. Si tu as besoin, si tu as la moindre question qui te viens, qui te tracasse. Ça rattrapera jamais le temps perdu j’en suis bien conscient, mais au moins on aura pas de regrets sur le futur. » Je lui souris à nouveau, un très large sourire cette fois. Je bois à nouveau dans mon verre et j’essaye de la taquiner un peu. « Au fait, tu n’étais pas attendu après ? Ou tu as dis ça juste parce que j’étais louche à venir te voir comme ça dans la rue ? » Je me détendais légèrement et j’avais dis ça avec un grand sourire, plus pour l’embêter qu’autre chose, espérant que ça ne la mette pas mal à l’aise.

Vingt-et-un an plus tard

Michael Davis & Emily Stewart

Quand il me parle de Crown Heights, je suis sur le cul. Le quartier est si près du mien que c’est est déroutant. J’ai peut-être croisé cet homme avant sans même le savoir. C’est con. J’ai l’impression que le destin me rit en pleine face, et j’ai envie de le cogner. « Bon après Crown Heights, ça reste pas trop loin de chez moi. C’est dingue quand même qu’on ait été aussi proche pendant tout ce temps. » Contrairement à Laura en revanche, je n’ai pas l’impression qu’il est parti habité là pour me surveiller de loin. Non. Lui m’a approché dès qu’il a su. Laura, elle, m’a carrément dit qu’elle m’avait cherché mais qu’elle n’était pas venue me voir de peur de me brusquer. Après, est-ce que je peux lui en vouloir pour ça, non. Mais je peux trouver louche qu’elle m’ait dit ça et qu’elle soit par hasard sous les ordres de mon père.

Michael me rend mon téléphone et je le prends, regardant son numéro. Je regarde ensuite l’homme devant moi qui me dit de ne pas hésiter à l’appeler si j’ai besoin de parler ou si j’ai des questions. Je donc hoche faiblement la tête. Je bois alors mon verre, le fini même, appréciant toujours autant la brûlure du rhum dans ma gorge. J’étais sans doute un pirate dans une autre vie. Mike me rappelle alors que je lui ai dis que j’étais attendue après et me demande si j’ai dit ça juste parce qu’il était louche. Je rigole. « Un peu des deux, c’est une bonne réponse ? » Je redépose mon verre et bois une gorgée de café, question de ne pas non plus le gaspiller. « En fait, j’avais prévu écrire à mon pote pour sortir ce soir, mais j’étais en train de le faire quand tu m’as approché. Je pense toujours l’inviter. Ça ne me fera pas de tort, et à lui non plus d’ailleurs. Il était pas très bien la dernière fois que je l’ai vu. »

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C’est vrai que ce n’était pas loin non. Moi je n’avais jamais quitté New York bien longtemps et je venais seulement de découvrir ma fille, celle-là même qui avait été conçue à New York, alors des fois j’en oubliais presque que le monde était grand et ne se résumait pas à la grosse pomme. « Ouais … c’est bizarre le destin ... » Nous avoir forcé à être séparés pendant de si longues années mais nous faire nous installer si peu loin. Ouais, il y avait même quelque chose de terriblement cynique dans ce destin. Mais bon il ne fallait pas penser comme ça. Voir les choses positivement comme la demoiselle l’avait dit un peu plus tôt. Maintenant nous savions qui nous étions l’un et l’autre, nous n’habitions pas très loin si elle souhaitait me voir, elle avait mon numéro pour me contacter je ne serais jamais bien loin. Après tout, il n’y avait quasiment que quand j’étais en course avec mon taxi que je n’étais pas disponible, mais je pouvais toujours ensuite en refuser, et je ne parlais pas encore du temps que je passais chez moi sur un ordinateur même si j’avais automatisé beaucoup de taches.

Je lui avais donc posé cette question, un peu pour la taquiner. Après tout elle n’avait vu qu’un tout petit bout de moi aujourd’hui et si j’étais devenu un homme assez froid et distant à cause des épreuves que j’avais connu, je demeurais aussi aussi le garçon drôle et taquin que j’avais pu être par le passé, celui que Laura avait connu à l’époque d’ailleurs. J’espérais vraiment que Emily pourrait découvrir cette facette de moi, se rendre compte que j’étais plus encore qu’un père qui avait cherché sa fille pendant des années, mais que j’aurais été, je l’espérais, un père fantastique. Elle rigole et moi je suis heureux d’entendre son rire. Il n’y a même rien de plus beau à entendre. Elle me pose sa question et je rigole à mon tour. « J’imagine que oui. C’était un bon réflexe, je crois. » Après tout elle avait raison, j’aurais pu être n’importe qui. Elle m’explique alors plus en détail et je me rappelle qu’en effet elle était sur son téléphone quand je l’ai abordé. Je comprends alors que notre échange n’est pas loin de toucher à sa fin mais bon, elle doit sûrement avoir besoin de temps pour digérer tout ça. « Je comprends, c’est important de prendre soin des siens. Je ne voudrais pas te retenir plus longtemps, j’ai sans doute déjà assez perturbé ta soirée comme ça. » J’avais dis ça avec le sourire mais un léger pincement au cœur à l’intérieur. Il fallait que je prenne sur moi, que je respecte sa vie, le fait qu’elle avait d’autres personnes autour d’elle, et que moi je venais seulement de débarquer. Nous aurions d’autres occasions, je l’espérais.

Vingt-et-un an plus tard

Michael Davis & Emily Stewart

Le destin… Cette idée un peu conne que la vie de tous soit écrite d’avance pour que nous, pauvres et faibles êtres humains, puissions mettre sur la faute de quelqu’un d’autre toutes les merdes ou les bons coups qui peuvent arriver dans une vie. Je n’ai pas envie d’y croire, mais malheureusement, je ne suis pas différente de tout être humain et moi aussi j’ai parfois envie de croire que le destin existe pour expliquer pourquoi certaines choses se passent, comme la raison pour laquelle mon père biologique habitait aussi près de moi depuis tout ce temps et pourquoi on était maintenant assis ensemble aujourd’hui. Bon ça ce n’était pas le destin, mais je ne suis pas au courant, donc…

Michael m’a rappelé que je lui avais dit que j’étais attendue quelque part et je lui avoue indirectement que j’ai menti. Il me répond que c’était un bon réflexe donc j’assume qu’il ne m’en veut pas trop. Après tout, il aurait pu être n’importe qui à vouloir me convaincre que je serais en sécurité dans un endroit public pour que je baisse ma garde et finalement m’enlever après quand on sortirait. Oui bon, c’est pas le cas là. Sinon ce Michael serait encore plus louche à s’être fait passer pour mon père biologique. Ça voudrait dire qu’il aurait prémédité son coup et ce serait… Mais pourquoi je m’égare autant ?! On s’en fout !

Je lui explique que j’étais sur le point d’écrire à Zane quand il m’a abordé et il me dit qu’il comprend. Je hoche faiblement la tête quand il me dit qu’il est important de prendre soin des siens. Il est carrément loin de se douter que j’ai failli être témoin d’un meurtre, voire même complice. Oui parce que si Zane avait tué cette pourriture, j’aurais sans doute aidé à cacher le cadavre, ou j’aurais trouvé une solution pour qu’il évite la taule. Je sais, c’est con, mais c’est à ce point que je tiens à Zane. C’est mon pote, et les potes comme lui ils sont rares. Je secoue la tête à l’égard de Michael après sa phrase. « T’en fais pas. Ça valait la peine. Et puis… » Je sors mon téléphone et modifie mon message pour Zane avant de l’envoyer. « Voilà. Maintenant il sait que j’ai envie de voir sa tronche. Reste à voir s’il me répond. »

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Que Emily se rassure, j’avais dit ça plus pour rire qu’autre chose car je ne croyais pas vraiment au destin non plus. J’avais l’impression de l’avoir forcé plusieurs fois en tout cas. Après tout, j’étais condamné à vivre une vie de galère dans un gang du Bronx. Mais j’avais préféré choisir la difficulté de tout plaquer pour avoir une vie que je préférais, choisir moi-même la vie que je voulais. Etait-ce le destin ceci dit qui m’avait rattrapé lorsque Laura s’était barrée, sans moi et avec notre enfant ? Peut-être. Peut-être que j’étais destiné à ne pas vivre ma vie avec elle, à ne pas avoir d’enfants. J’en étais toujours là aujourd’hui. Je ne vivais plus dans le Bronx et dans un gang, mais j’étais toujours aussi seul et même rongé par une nostalgie néfaste que je n’avais jamais sur chasser. Ce n’est jamais bon de vivre dans le passé, c’est pourtant ce que je faisais depuis plus de vingt ans. Ce passé qui me poussait à totalement préméditer une rencontre avec mon ex pour la faire souffrir et retrouver la trace de ma fille … au bout du compte Emily n’était pas si loin de la vérité mais comment penser cela du pauvre Michael qui avait été privé de son enfant toute sa vie après qu’on lui ait brisé le cœur, le petit chauffeur de taxi de Brooklyn qui ne faisait jamais de vague ? Mais bon, moi aussi je m’égare.

Elle me dit alors que ça en valait la peine quand je lui dis que j’ai sans doute assez perturbé sa soirée comme ça et je souris largement. Ce que c’est doux à entendre à mes oreilles. J’ai encore du mal à réaliser. Je viens de retrouver ma fille et elle ne semble pas me rejeter. Ça veut dire que j’ai une chance de nouer un lien avec elle. Pas celui que j’aurais espéré mais c’est déjà ça. Mais déjà elle continue et je la vois reprendre son portable pour envoyer un message. Elle me fait comprendre que c’est à ce fameux pote qu’elle a envoyé le message que j’avais interrompu tout à l’heure. « Si tu as besoin que je t’emmène quelque part … Enfin tant qu’à faire d’avoir un père biologique chauffeur de taxi, autant en profiter. » Je dis ça avec le sourire, un sourire qui ne reste pourtant pas longtemps sur mon visage. « Enfin je dis ça mais c’est peut-être trop tôt encore, je ne veux pas que tu penses quoi que ce soit. Enfin c’est juste si t’as envie ... » Je m’emmêle complètement les pinceaux. J’ai envie de bien faire mais avec elle, je suis tellement heureux de l’avoir retrouvé que j’ai l’impression de tout dire de travers et que tout peut être interprété.

Vingt-et-un an plus tard

Michael Davis & Emily Stewart

Reste à vois s’il me répond ? Bien sûr qu’il va me répondre. Il le fait presque aussitôt même. C’est qu’il est rapide, dis-donc. Il ne mentait pas la dernière fois quand il disait que je lui avais manqué. Du coup je regarde encore mon téléphone, me sentant un peu coupable de planifier ça devant Michael mais j’ai bien besoin de voir Zane, de me saouler et oublier les mauvais souvenir, engourdir la douleur. C’est bien ce que je fais de mieux dans la vie après tout. Zane me dit qu’il est disponible, à mon plus grand bonheur, et me demande le lieu et l’heure. Je lui répond alors comme quoi nous pourrions nous retrouver au Rising Sun étant donné que je suis déjà dans Manhattan… avec mon père biologique… Je sais qu’il comprendra le message.

Le message envoyé je regarde Michael qui me propose de m’emmener où je dois aller. Je lui souris légèrement, un peu embarrassée mais pas contre l’idée. Son sourire à lui disparait en revanche, et encore une fois, il semble nerveux et me rappelle à nouveau que j’ai le choix de dire non si je ne veux pas. Je souris et secoue la tête. « T’en fais pas, je veux bien que tu m’y amènes… Mais seulement si c’est gratuit pour moi. » Je ris légèrement, tentant de l’aider à se détendre un peu en faisant un peu d’humour. Je me doute bien qu’il ne me proposait pas le transport en tant que chauffeur de taxi mais bien en tant que père. « Je vais au Rising Sun. Je sais pas si tu connais. C’est à quelques rues d’ici. »

Je finis ma boisson avant de me lever alors qu’il fait de même. Zane m’envoie qu’il sera là dans vingt minutes donc c’est parfait. Il a compris mon urgence de le voir. Et comme je vais arriver avant lui, je vais avoir le temps de commander pour nous deux avant qu’il arrive. Une fois dehors avec Michael, je le suis jusqu’à son taxi. Quand nous arrivons à proximité, je regarde le véhicule puis Michael. « Bon, du coup ça va te paraître bizarre comme question, mais je dois m’asseoir devant, ou derrière ? »

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Bien sur que je suis légèrement mal à l’aise de ma proposition. On vient juste avant d’évoquer le fait de se protéger, du fait qu’elle ait inventé un mensonge de sachant pas qui je suis. Maintenant elle le sait certes, mais nous ne nous connaissons quand même que depuis très peu de temps. J’aurais compris qu’elle soit méfiante, monter dans la voiture d’un quasi inconnu ce n’est quand même pas anodin. Mais non, elle me sourit de ce sourire que j’ai tant de fois vu dans le miroir et se permet même une petite blague. Je baisse un instant le regard avant de le reposer sur elle en souriant. « Ah ouais, déjà à vouloir m’extorquer, bravo ! » Lui répondais-je alors en rigolant, essayant de montrer une autre facette de moi, plus fun que ce que j’ai montré jusqu’alors. Car la réponse en elle même est une évidence, bien sur que c’est gratuit ! C’est ma fille, et une course en taxi serait bien loin de rattraper tout ce que j’avais loupé avec elle ! Elle me parla alors du Rising Sun, me demandant si je connaissais et je lui répondis. « J’y suis jamais rentré mais j’ai déjà déposé du monde là-bas. C’est à la fois l’avantage et l’inconvénient du boulot, on connaît tout de New York et rien en même temps. » J’étais capable de situer énormément de choses de notre belle ville et je n’avais plus besoin de gps tout le temps pour aller à des lieux précis, pour autant cela s’arrêtait aux rues et au devantures des bâtiments.

Je termine alors mon verre de coca, laissant le café désormais froid sur la table. J’avais été trop perturbé pour le boire et c’était trop tard désormais. Je vais rapidement donner un billet au serveur pour régler la note et je rejoins Emily, l’accompagnant jusqu’à mon beau taxi jaune. Elle me regarde alors et là j’éclate de rire. Ça me paraissait tellement naturel mais visiblement pour elle, ça ne l’est pas. « T’as quel âge déjà ? Huit ans c’est ça ? Tu montes derrière alors ! » Lui dis-je en rigolant. Après tout, il fallait bien qu’on apprenne à accepter cette situation un peu étrange. Plus sérieusement je la regarde alors pour lui répondre. « Tu montes devant évidemment. Derrière c’est pour les clients, la famille monte devant avec moi. » J’avais fais un petit clin d’œil en disant ça. Bon en réalité je n’avais pas vraiment de famille, du moins pas avant de rencontrer Emily. Et je ne savais même pas si j’avais le droit de parler de famille avec elle. Mais au fond j’avais toujours rêvé de ça, pouvoir transporter les miens dans ce taxi qui représentait tant pour moi. Alors après avoir dit ça, j’allais m’installer au volant, bouclant ma ceinture et prêt à partir pour l’emmener sur le lieu de son rendez-vous.

Vingt-et-un an plus tard

Michael Davis & Emily Stewart

Quand je lui dis que je ne paie pas mon transport et qu’il me répond que je cherche déjà à l’extorquer, je ris de bon coeur. C’est perturbant. Trop perturbant. Mais je poursuis comme si de rien était, lui disant où je vais. Il me dit qu’il connait mais qu’il n’y a jamais mis les pieds, comme la majorité des endroits à New York. Comme il l’explique, ça fait parti du métier. Moi personnellement, je le trouve déjà courageux de conduire dans cette ville. Moi quand je le fais, j’ai envie d’arracher des têtes. Parce qu’il n’y a aucune courtoisie à New York. C’est la loi du plus fort. Les chiens se mangent entre eux. Les piétons et automobilistes ne feront jamais la part des choses pour s’entendre, et ce sera toujours la faute de l’autre. « Je veux bien te croire. Du coup, si jamais tu cherchais un endroit où sortir un jour, je te le conseille. C’est sans doute le bar le plus sécuritaire que je connaisse. Il n’y a pas de gros lourd qui insiste trop, ou de drogue qui circule, ou de pervers qui observe de loin. C’est surtout pour ça que j’aime y aller. » Lui doit comprendre un peu cette envie de sécurité. Si je ne le suis pas dans les rues, ça fait du bien de l’être quand on sort. Et je sors presque tous les jours.

Nous sortons et je lui demande où je dois m’asseoir. Il se moque un peu en me disant que comme j’ai huit ans je dois m’asseoir derrière. « C’est ça moque-toi. Ma question était légitime malgré tout. » Oh, je ne suis pas offensée. Je suis même amusée. Il me dit que je m’assois devant comme je suis de la famille et je souris un peu plus. Et je m’énerve à sourire autant. Je monte donc du côté passager il m’emmène à destination. Je sors donc de la voiture et va rejoindre sa fenêtre. « Attends… » Je sors mon téléphone et lui envoie un petit message. « Voilà. Comme ça tu as mon numéro aussi… Merci Mike. De m’avoir emmenée… et de m’avoir cherchée. » Sur ces mots, je fais un pas en arrière et lui dis au revoir d’un signe de la main avant de me retourner. Mon sourire disparaît aussitôt, tout comme moi je disparais dans le Rising Sun.

RP TERMINÉ

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C’est vrai, il faut sans doute du courage pour exercer ce métier à New York, mais ce n’est pas pour les embouteillages que je le fais, mais bien pour toutes les petites histoires que je peux entendre depuis la banquette arrière. Toutes les courses ne sont pas forcément sympathiques bien sûr, certains restent silencieux et je le respecte, mais à côté de ça j’entends aussi tellement de choses. A défaut d’être très entouré tant amicalement qu’affectivement, j’avais au moins mes clients et leurs petites histoires. Elle m’expliqua alors pourquoi elle aimait aller là-bas et je trouvais la démarche vraiment mignonne. Elle cherchait à me donner un bon plan, où je me sentirais bien … c’était un peu une inversion des rôles pendant quelques secondes et cela me fit sourire. « D’accord je retiens, merci pour le tuyau. » Lui répondais-je très sobrement avant de sortir du café avec elle pour aller jusqu’à mon taxi.

Je rigole de bon cœur avec elle après m’être un peu moqué d’elle. Oui, sa question était sans doute légitime, même si pour moi la réponse était vraiment une évidence. J’aimais entendre les petites histoires de mes clients oui, mais elle n’avait rien d’une cliente. C’était même bien différent. Elle vient alors s’installer à côté de moi et je me surprends même à vérifier qu’elle a bien attaché sa ceinture avant de partir. Réflexe de père ? C’est sûrement stupide pourtant car je n’ai jamais vraiment été père, je ne l’ai jamais exercé en tout cas si je puis dire. Je roule alors jusqu’au fameux Rising Sun qui n’est qu’à quelques rues d’ici et je prend sur moi pour rouler le plus correctement possible. A force, peut-être qu’il m’arrivait parfois de prendre quelques feux orange foncé ou ce genre de choses, mais là je ne voulais pas qu’elle me prenne pour un chauffard. On arrive alors et je m’arrête devant pour qu’elle puisse descendre avant d’ouvrir ma fenêtre où elle vient me rejoindre. J’ai un petit pincement au cœur de la quitter ici et j’espère que nous pourrons nous revoir bientôt. Elle me dit alors d’attendre et sur le coup je fronce légèrement les sourcils. J’entends alors mon téléphone sonner et en jetant un coup d’œil je vois que c’est un numéro non enregistré, le sien. Je sens mon cœur se serrer de bonheur dans ma poitrine. Ses mots eux aussi me touchent particulièrement. « Tu n’as pas à me remercier pour ça ... » C’était normal pour moi de l’avoir cherché pendant toute ces années et je le referais à chaque fois sans aucune hésitation. Je la regardais finalement s’éloigner et entrer dans le bar avant de reprendre ma route, entendant en plus klaxonner derrière moi. Je prenais alors la direction de chez moi pour pouvoir digérer ce qu’il venait de se passer … et peut-être envoyer un nouveau mail à une certaine personne également.

RP TERMINÉ